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Interview : Florian Rousseau entre en fonction

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Ce n’est plus un scoop, Florian Rousseau succède à Christophe Manin à la tête de la Direction Technique Nationale de la FFC. À la veille du 1er mai, date de son entrée en fonction officielle, nous avons cherché à connaître son état d’esprit, ses objectifs et sa stratégie. Voici ce qu’il a bien voulu nous en dire.

C’est le 1er mai que vous prenez officiellement vos fonctions. Que représente le fait d’être DTN, après avoir été directeur du programme olympique, est-ce un aboutissement, une promotion ? Comment le vivez-vous ?

Disons que ce sont les circonstances, qui m’ont conduit à relever le gant. En tout état de cause, lorsque je me suis engagé à la Fédération comme directeur du programme olympique, je ne me projetais pas au-delà des Jeux. Je me suis investi à fond sans penser à la suite, j’avais pour seul objectif de réussir ma mission. Je n’avais pas de projet après 2024. D’ailleurs beaucoup d’épisodes de ma vie professionnelle se sont enchaînés, articulés, de la sorte. Au moment de mettre un terme à ma carrière sportive, j’avais bel et bien prévu de devenir entraîneur, ça oui. Mais ensuite j’ai surtout cherché à être perspicace et à saisir les bonnes opportunités. 

Qu’est-ce que ça représente pour vous ?

(du tac au tac, sans hésiter) Ça représente d’abord une grande responsabilité. J’ai pris chacune de mes missions très au sérieux. Mais Directeur Technique National, c’est un défi beaucoup plus vaste. Il y a des politiques publiques à mettre en œuvre et, surtout, ça ne se limite pas à la haute performance, qui était mon périmètre jusqu’à maintenant.

Il y a beaucoup d’autres aspects. Au fil de ma carrière, j’ai travaillé avec de nombreux DTN de plusieurs fédérations, et je crois que j’ai déjà une certaine mesure des responsabilités qui m’incombent, aussi bien vis-à-vis de l’État que de notre Fédération.

Parmi ces DTN avec qui vous avez travaillé, est ce que certains vous ont particulièrement inspiré ?

Tous, à leurs manières respectives. J’ai appris de chacun d’entre eux, c’est vrai. Chacun bien sûr, a sa personnalité, sa propre manière de faire, son style pour ainsi dire. Je crois qu’on s’imprègne de très nombreuses influences, plus ou moins consciemment selon les cas. Je suis quelqu’un qui observe beaucoup, et le seul fait d’avoir eu, au fil des années, ces échanges avec l’ensemble des fédérations olympiques et paralympiques, m’a formé. Même si, et c’est tant mieux, il me reste mille choses à apprendre, j’en suis bien conscient. Il y a ce que vous apprenez de ceux qui vous ont précédé, et ce que vous ne pouvez apprendre que d’expérience, « les mains dedans » – sinon d’ailleurs, quel intérêt ?

Dans cette vaste mission de service public, de la haute performance au développement en passant par les enjeux sociétaux, avez-vous identifié des priorités ?

Il y a trois priorités qui guident l’action d’une direction technique nationale. Le développement de la pratique et son accompagnement sur le territoire, avec les clubs.

Mais aussi la formation : préparer les générations futures d’entraîneurs, d’éducateurs, de managers – c’est fondamental. Et bien sûr, la performance, le haut niveau qui reste non seulement cher à mon cœur, mais dont nous avons la responsabilité pour le pays – une DTN, c’est aussi l’Équipe de France. Voilà pour les trois piliers, les fondamentaux, entre lesquels circulent de nombreux sujets transversaux, par exemple les sujets dits « de société », tels la mobilité, les violences, le rapport à l’environnement, etc.

Certains sujets semblent-ils plus « tendus » que d’autres ?

Ils le sont tous. Bien sûr, je pourrais répondre « les violences » car il en va de l’intégrité physique et psychique des personnes, ou « l’environnement » parce que nous n’avons pas le choix, mais tous ces aspects sont intimement liés en ceci qu’ils nous interrogent en tant que citoyens. Que nous soyons dans le cadre de la haute performance ou dans celui du sport-loisir, sur un terrain de compétition ou dans un rapport commercial, nous sommes toujours des citoyens : que nous nous intéressions à l’Équipe de France, à la formation des jeunes talents, à celles des futurs entraîneurs et managers, à l’accompagnement des clubs dans leur professionnalisation, à mieux accueillir et écouter les femmes dans toutes nos structures, ou de la décarbonation de notre sport à travers nos petits et grands évènements (je pense aux Super Mondiaux de 2027). Dans toutes ces dimensions, en tant que fédération, notre devoir est d’œuvrer en vue du bien commun. 

Ne le vivez-vous pas comme une pression ?

La pression, ce n’est pas forcément négatif. Ça me stimule plutôt qu’autre chose. Un athlète qui prépare les Jeux ou n’importe quelle grande échéance, doit aussi assumer de fortes attentes, y faire face. Donc bien sûr, il y a des directives et des politiques publiques, mais la pression, on se la met déjà tout seul, quand on a envie de bien faire ! Je suis quelqu’un d’optimiste, et ne doute pas que nous porterons notre pierre à l’édifice. Notre richesse, c’est que le vélo se décline sous de multiples formes et touche de nombreuses couches de la société

Mais, vous parlez encore comme un athlète !?

Oui, c’est possible. Au fond c’est au cours de ma vie d’athlète que j’ai appris les bases, acquis une certaine éthique du travail. Je sais qu’il faut se donner les moyens pour réussir, savoir s’appuyer sur ses équipes, et que l’important est de faire les choses avec sincérité. C’est très exactement cela, être compétiteur. Donc, n’ayons pas peur des mots, nous avons de vrais défis à relever, et nous sommes prêts parce que nous aimons cela !

Concernant le haut niveau et l’Équipe de France, il se dit que vous avez déjà entrepris de réorganiser les filières de performance ?

En effet. Et notre réflexion est née du constat que les modèles de performance au niveau international ont changé. Contrairement à ce qui se passait autrefois, où l’excellence était rigoureusement synonyme d’hyperspécialisation, les meilleurs athlètes contemporains ont des parcours d’apprentissage assez transversaux. C’est un peu comme si leurs formations étaient plus complètes, et partaient d’un tronc commun plus solide. De plus en plus d’entre eux font de la multi-activité, et passent d’une discipline à l’autre, même alors qu’ils ont déjà les deux pieds dans le haut niveau. Ces transferts, ou ces circulations, dessinent pour ainsi dire des « champs de compétences athlétiques » très significatifs des affinités entre disciplines.

Par exemple, on sait que les pistards d’endurance ont toujours été aussi des routiers, mais on remarque que les pilotes de BMX Race font souvent d’excellents sprinters sur piste – question de filière énergétique – ou que les meilleurs vététistes XCO brillent aussi en cyclo-cross – question d’affinités non seulement physiologiques, mais techniques. Ces transferts de talents sont aussi l’occasion d’échanger pour les entraîneurs. 

… et ces affinités dessinent des regroupements de discipline ?

Exactement. C’est ainsi que nous avons défini 4 secteurs : l’Endurance (route, piste endurance et e-cycling), le Sprint (sprint sur piste, BMX Race – et Cycling Speedway*), l’Urbain (BMX Freestyle Park et Freestyle Flat, cyclisme artistique, polo-vélo : toutes les disciplines où les prestations sont évaluées par un jury) et le Off-Road (tous les types de VTT, XC et Gravity, le Cyclo-cross et le Gravel). Je précise qu’il n’y a pas de cloisonnement étanche et que nous croyons à la transversalité, que les managers sont encouragés à l’échange. Pour que la carte soit complète, il faut ajouter le développement et la formation.

Quels sont les premiers objectifs de cette nouvelle DTN ?

Le mot d’objectif appelle toujours une réponse sur le plan sportif : il y a des championnats européens et mondiaux dans toutes les disciplines, et nous comptons évidemment sur nos athlètes pour faire moisson de médailles. Mais de cette nouvelle organisation de la DTN en tant que telle, je dirais qu’elle doit être opérationnelle en septembre ! 

*Discipline encore peu connue, en dehors de l’Australie, du Japon et du Royaume-Uni, elle se pratique sur un circuit plat et en anneau sur des vélos à développement unique et sans frein, donnant lieu à des courses brèves et spectaculaires. Quatre coureurs s’affrontent par manches successives, dans des virages si serrés qu’ils les obligent à sortir et laisser glisser leur pied gauche, pour compenser l’inclinaison extrême du vélo.