Championnats de France

Les champions de demain se dévoilent à Altkirch

championnats de France de l’Avenir 2024

Une organisation absolument remarquable, un village pittoresque, un circuit redoutable, un soleil radieux, et de jeunes athlètes bien décidés à en découdre.

À la veille des dernières courses, une édition des France Avenir particulièrement palpitante.

« Les Avenir » : quel titre, quand on y pense ! Les champions à venir sont tous venus. Ils sont là sous nos yeux, terriblement jeunes.

Jeunes et déjà fort savants, courageux, compétents, motivés. Même les cadets sont étonnamment pros, pour tout dire.

On a l’habitude d’affirmer (on persiste et on signe) que les Avenir ont ceci de merveilleux qu’ils représentent un moment béni des carrières sportives. Un moment où ces athlètes adolescents accèdent déjà au haut niveau sans avoir perdu encore la naïve fraîcheur de leurs débuts. Ils et elles carburent comme des champions aguerris mais ils et elles sont venus avec leur mère. Ils ont des étoiles dans les yeux et des regards de tueurs. Ils pleurent aux arrivées et communiquent beaucoup d’émotion.

Des adolescents (trop ?) très professionnels

Mais, à catégorie égale, leur niveau de maîtrise semble encore s’élever d’une édition à l’autre. Les courses contre-la-montre en sont un bel exemple, aussi bien celles individuelles du premier jour que celle du relais par équipe.

Ils et elles ont préparé leur affaire, et ils sont d’une détermination stupéfiante (Ils savent se faire mal, aurait-on dit autrefois.) Ils pilotent parfaitement leur vélo de chrono, s’y ajustent en bolides, taillent les trajectoires au cordeau, ils rutilent, rien ne dépasse. Et puis, quand ils passent la ligne la magie s’évanouit avec une saisissante soudaineté : ils se désarticulent, godillent un instant, tombent à côté de leur vélo s’allongent sur le dos et semblent agoniser sur la route. Ils reprennent leur souffle et leurs esprits, bien sûr, mais c’est impressionnant. Sous le regard placide de leur staff, mais sous les yeux écarquillés de quelque promeneur autochtone. Cadet, junior (pour le dire à l’ancienne, encore une fois) ils sont déjà routiniers des efforts extrêmes. Aussi durs à cuire que leurs joues sont tendres. Et déjà si compétents qu’ils livrent la prestation attendue, que les favoris sont au rendez-vous, en forme au jour J.

Des pros, on vous dit. Certes, cette montée en niveau a de quoi réjouir, même si, comme toute spécialisation précoce, elle ne va pas sans poser de questions. Éducateurs et entraineurs ont donc la responsabilité de préserver un esprit de plaisir et de jeu, tout en formant des athlètes pointus.

Le samedi aux U23

Après les journées consacrées aux chronos et aux courses des U17, ce samedi faisait place aux U23 : les aînés des Avenir, si l’on veut. Le courage et le sens de la course de ces très jeunes adultes n’est pas moins admirable. Le circuit des courses U23 (comme de celles U19 de demain) comprenait une difficulté supplémentaire, et quelle difficulté : la rue Roggenberg part du centre ville d’Altkirch et s’élève brutalement. C’est un mur de 500m bordé de maisons qui semblent s’accrocher à la pente, (laquelle est évaluée à 13,8% de moyenne sur une portion de 340m, avec une pointe à 18%.) Le sommet est situé à 2km de la ligne d’arrivée.

Chez les filles, la première ascension fit une première sélection. À preuve, Heïdi Gaugain n’attendit pas plus longtemps pour lancer ce qui serait la bonne échappée. D’abord ce fut un groupe de 7, puis de 5 et enfin de 3 coureuses qui prenait en main les opérations, à plus de 80 km de l’arrivée.

Un trio féminin bien accordé

Lise Ménage (Bretagne), Clémence Latimier (AURA) et Heïdi Gaugain formaient un trio parfaitement accordé, et ne seraient plus revues, compteraient jusqu’à 2’30 d’avance à 25km de l’arrivée. Même l’ultime (la sixième) ascension de la terrible bosse du Roggenberg ne les départagerait pas vraiment (Gaugain légèrement décrochée reviendrait dans la descente). En revanche, il faut bien dire que le sprint fut une formalité pour Lise Ménage qui, de loin la plus rapide, devança la grimpeuse iséroise.

De l’admirable Heïdi Gaugain, rappelons qu’elle souffre (la langue française le dit ainsi mais le mot lui déplaît) d’être née sans avant-bras gauche, ce qui lui vaut de courir aussi dans la catégorie paracyliste, mais ne l’empêche pas de décrocher des titres chez les valides (en 2022 elle fut championne du monde junior de la poursuite par équipes et de la course aux points.)

Mais, étant née avec ce handicap et n’ayant donc connu d’autre corps, elle refuse absolument de se sentir diminuée. Il n’en reste pas moins que la prothèse qu’elle utilise pour prendre appui sur son cintre ne lui permettait pas de se mettre en danseuse dans l’affreuse bosse d’Altkirch. L’énorme courage de celle qu’entraine désormais Arthur Pennetier impose le respect. « Je n’aurais jamais imaginé monter sur cette troisième marche », disait-elle au pied du car podium. On souhaite que cette médaille lui donne confiance. Il reste 2 marches, elles sont à sa portée.

Le plus fort, c’est Isidore !

L’après-midi, sous un soleil d’autant plus dur qu’on en avait presque oublié l’existence, après ce début de printemps très arrosé, les garçons ont à leur tour délivré un superbe spectacle. La course fut animée de bout en bout, malgré la distance de 166km, malgré cette première chaleur, malgré les 9 (!) ascensions de la rue Roggenberg. D’où la nécessité de prendre les échappées précoces, pour ne pas avoir un temps de retard. Le vainqueur du jour, Noa Isidore, était prévenu « Dans un championnat, fois qu’un coup est sorti, derrière c’est bim bam boum, le désordre. Il vaut mieux être devant, tu lisses ! » Cependant le dernier effort du sociétaire de la Decathlon AG2R Development Team était tout sauf lisse : un démarrage foudroyant au pied du mur (le vélo semblait vivant entre ses jambes), une patate monumentale qui laisserait ses derniers adversaires sur place, collés sur la pente. Après l’arrivée, Brieuc Rolland (2ème) et Louis Rouland (3ème) en souriaient encore, en chœur : « Sur ce genre d’accélération, pas question de le suivre. Le plus fort a gagné ! » 

Beau comme du cyclisme. Vivement les courses U19 !