Championnats de France

Guider les U17 vers le haut-niveau

championnats de France de l’Avenir 2024

Pierre Idjouadiene est responsable du nouveau « collectif national U17 », une initiative qui vise à regrouper plusieurs fois dans l’année 12 cadets, pour les préparer aux exigences et aux pièges d’un haut niveau qui recrute des sujets toujours plus jeunes.

Depuis Altkirch où se disputent les Championnats de France de l’Avenir, il nous explique le sens de sa mission.

À l’heure où le cyclisme international produit des champions de plus en plus précoces, et où les structures professionnelles recrutent leurs coureurs toujours plus jeunes, la question se pose pour une fédération qui a mission de service public, de savoir comment former et protéger à la fois ses meilleurs éléments. La quête de haute performance fait courir certains dangers à des sujets si jeunes, tel celui de renoncer aux études pour tenter sa chance dans une carrière sportive d’ores-et-déjà sur-exigeante.

« On n’est pas sérieux quand on a 17 ans » disait Arthur Rimbaud, lui-même enfant prodige. D’où l’initiative fédérale de créer un collectif national U17, regroupant douze des meilleurs cadets 2, et destiné à les guider à l’aube de leur carrière, dans l’écosystème passionnant mais complexe de la haute performance. Les courses U17 du championnat de France de l’Avenir, et la victoire chez les garçons de Paul Becchio, tombaient à point nommé pour faire le point avec Pierre Idjouadiene, responsable de ce collectif.

Assiste-t-on à la création d’une Équipe de France U17 ?

Non, pas du tout. Précisément, ce « collectif national U17 » n’est pas une Équipe de France. Une Équipe de France fonctionne par sélections en vue d’objectifs, de compétitions. Là, l’idée est d’accompagner le parcours et le développement d’athlètes en devenir, mais de plus en plus pressés par les transformations du milieu cycliste. Nous aimerions leur permettre de prendre un pas de recul, par rapport aux nombreuses structures, notamment professionnelles, qui investissent et complexifient leur écosystème. En effet, beaucoup de choses évoluent très vite depuis une dizaine d’années, surtout au niveau de la catégorie U19 qui est clairement devenue une antichambre du cyclisme professionnel.

Ce qui tire le niveau global vers le haut mais qui, logiquement, reporte la pression sur l’étage du dessous, la catégorie U17, et sur la façon dont ces jeunes coureurs se préparent. Certains U17, des « cadets », sont déjà très professionnalisés dans l’objectif d’intégrer une grosse structure U19. Pour le dire simplement, il existe désormais des « cadets de haut niveau », auprès de qui nous voulions assurer une présence fédérale (et ce, à toutes les échelles : départementale, régionale et nationale), de sorte à les aiguiller dans un système en perpétuel changement, et porteur de certains dangers.

Selon quels critères avez-vous choisi les douze coureurs, tous en deuxième année U17, suivis cette année ?

Selon 3 types de critères. Le premier, c’est les résultats sportifs de l’année précédente, leur première saison cadets. Cette année, cela a beaucoup pesé dans le choix, mais c’est surtout le potentiel qui sera amené à compter, selon les tests physio qui seront faits en région avec les comités. De plus, nous essaierons de tempérer ces résultats en fonction des pics de croissance de chaque individu : à cet âge-là, d’importants changements physiologiques surviennent rapidement.

Enfin, le troisième critère, et le plus important à mes yeux, c’est la motivation de chaque individu quant à son double projet, scolaire et sportif. La tentation existe pour certains de se déscolariser purement et simplement pour maximiser leurs chances d’intégrer une grosse structure U19. Nous ne pouvons pas encourager cela : la vie de sportif est trop aléatoire, et nous exigeons un double projet, sportif et scolaire.

Il y a donc un souci de prévention ?

Toute éducation efficace comprend une part de prévention. En l’occurrence c’est le cas pour ce qui concerne l’optimisation de la performance. Il faut identifier les pièges à éviter. Le danger de surentrainement, par exemple, est particulièrement aigu à un âge où les sujets sont à des stades très différents de maturation biologique. Nous insistons donc beaucoup sur tout ce qui concerne la juste quantification de la charge d’entrainement. Nous avons affaire à des adolescents, dont certains ont déjà de la moustache quand d’autres ont encore un visage poupin ! Ils sont autour de leur pic de croissance, et nous avons la responsabilité, non seulement de ne pas les voir « se cramer », mais celle de les accompagner dans leur éclosion.

Plusieurs regroupements sont prévus au cours de la saison ?

Quatre stages sont prévus cette année, en effet. Le premier a eu lieu en février à Saint-Quentin-en-Yvelines, un autre se déroule à Besançon mi-mai, dans la foulée de ce championnat, un troisième aura lieu fin août, et un dernier fin octobre, qui sera centré sur l’idée de transition entre les catégories U17 et U19.

En quoi consiste le programme de ces stages ?

Il y a un aspect testing/évaluation, avec Quentin Rousseau qui est doctorant à la FFC, et qui travaille sur la détermination des facteurs physiologiques de la performance. À chaque rassemblement, les coureurs sont soumis à une série de tests, pour évaluer l’évolution de leurs capacités au fil de la saison. Bien sûr, ces résultats sont croisés avec la charge et le volume d’entrainement effectués. Nous ne nous occupons pas de leurs programmes d’entrainement, nous nous contentons d’être en contact avec leurs entraineurs. L’aspect sportif et tactique est un deuxième axe de travail. Je les accompagne sur des sorties à thème : on peut travailler spécifiquement sur le contre-la-montre, ou sur le sprint… Cette semaine nous allons travailler sur le « bloc équipe » : comment déterminer des rôles, des tâches spécifiques à chacun, comment protéger un leader, le placer ? On fait beaucoup de travail technique et tactique. Encore une fois, nous n’avons pas vocation à les entraîner physiquement parlant.

Enfin sur chaque stage nous nous concentrons sur un facteur spécifique d’optimisation de la performance. En février, nous nous sommes intéressés aux bilans kiné, tels qu’ils sont pratiqués en équipe de France : mesures de mobilité, de souplesse, recherche d’éventuelles déséquilibres et asymétries. Cela leur donne des bases de travail personnalisées en matière de préparation physique générale. Ils sont à un âge où les poussées de croissance sont parfois brusques, et il s’agit d’apprendre à les négocier. Cette semaine nous proposons une approche préparation mentale. Fin août, nous ferons une approche nutritionnelle, sous la conduite d’un nutritionniste. Et en octobre ils seront autonomes : ils feront leur propre programme alimentaire pour la semaine, se feront la cuisine.

Certains n’ont-ils pas déjà une culture très avancée de l’entraînement et de la performance ?

C’est assez variable d’un sujet à l’autre, je pense. Ce qui est sûr, c’est qu’à l’heure des ressources numériques et des réseaux sociaux, ils sont soumis à un flux continu d’informations trop nombreuses et indiscriminées. Notre rôle est de les aider à faire le tri, et à mettre les choses dans l’ordre, à définir les priorités. Certains se concentrent sur des aspects hyper-détaillés, certes intéressants, mais pas forcément pertinents quand les bases ne sont pas solides. Par exemple, ils vont savoir au gramme près combien de glucides ils doivent consommer sur une course, mais au quotidien ils vont noyer leurs pâtes dans le ketchup et oublier de manger des légumes.

Il semble que seuls les garçons soient concernés par ce collectif ?

Pour le moment oui, seuls les garçons sont concernés, dans la mesure où la pression de ces « antichambres professionnelles U19 » est moins forte chez les filles, pour le moment. Mais bien sûr Emilian Broë amorce un suivi ciblé avec certaines filles.

Un mot sur Paul Becchio, le nouveau champion en titre de la catégorie ?

Paul c’était un peu le pari de ce premier collectif, dans le sens où il n’avait pas les plus grosses références, en termes de résultats bruts. Par contre, il s’avère que c’est un énorme potentiel. Mais, par-dessus tout, j’ai aimé le contact que nous avons eu cet hiver. On sentait chez lui un besoin, même s’il est très bien entouré (il est suivi par la structure CIC Nantes-Atlantique), un besoin de recul. J’imagine qu’il va être très sollicité et il va lui falloir pas mal de lucidité. J’espère que nous l’aiderons de ce point de vue.