Des champions nés du drame et de la fatigue
À Altkirch, la dernière journée de ces championnats de France de l’Avenir était consacrée aux courses des U19. Filles et garçons nous ont à nouveau fourni à proportion de leur infaillible fougue, un sublime spectacle sportif.
Ce 12 mai, à Altkirch, drame et courage étaient au programme.
C’est une drôle d’histoire que nous avons vécue ce matin à Altkirch, avec la course des U19 filles – à la fois douloureuse et magnifique. Un de ces petits drames qui magnifient rétrospectivement les récits, mais dont on se passerait bien.
Tout avait pourtant commencé comme un dimanche ensoleillé, comme une publicité pour l’ami Ricoré. Les photographes photographiaient, les papillons papillonnaient. Nous nous tenions, bloc-notes à la main au sommet du Roggenberg. Le ciel bleu du Sundgau pesait sur les toits d’Altkirch regroupées à nos pieds, entre lesquels on pouvait voir le peloton se frayer un chemin jusqu’à la bosse.
Un duo de reines
Sur la pente couverte de noms et d’encouragements peints, elles étaient déjà 2 en tête après un tour. Les deux grandes favorites (on vous parlait hier de la capacité de ces jeunes athlètes à honorer les grands rendez-vous), qui plus est : Célia Géry et Amandine Muller étaient bien décidées à se partager l’affiche. La première avait décidé « d’étirer le peloton assez tôt, mais pas forcément de partir. »
Il faut croire que la championne du monde junior de cyclo-cross, et ici même toute récente double championne contre-la-montre, ne sentait pas sa force.
Car en fait d’étirement elle avait cassé net le peloton, seule la non moins récente championne de France junior de VTT XCO parvenant à la suivre. Au troisième passage dans Altkirch, ce duo de reines avait 3 minutes d’avance, sur un peloton que les Bretonnes tentaient de dynamiser. À ce stade, la course semblait jouée, et en tant que telle, un brin décevante.
L’accident et le courage
C’est alors que l’accident est survenu : alors que Célia Géry venait prendre des consignes à la portière, la voiture du comité AURA touchait la roue d’Amandine Muller, la projetant au sol avec sa camarade d’échappée. Énorme frayeur et énorme soulagement, car les deux concurrentes se relevaient et se révélaient capables de repartir. Les fuyardes marchaient même si fort qu’elles ne perdirent là rien de leur avance. Amandine Muller portait un long filet de sang au coude, une belle brûlure à la cuisse. Quant à Celia Géry, elle peinait à serrer son guidon, souffrant manifestement des deux poignets.
Cela ne l’empêcha pas d’accélérer dans la pénultième ascension du Roggenberg et de lâcher sa rivale et amie. Un tour plus tard, la coureuse du comité AURA décrochait son troisième titre de la semaine devant une Amandine Muller en pleurs. Mais elle avait le triomphe un peu triste, en regrettant les circonstances, et s’inquiétant pour ses poignets douloureux. Peut-être est-il permis de les consoler d’une remarque, à propos d’un accident certes regrettable mais qui a contribué à sublimer leur courage aussi bien que leurs qualités physiques ?
Sur la ligne, Amalia Debarges prenait la médaille de bronze, une de plus dans l’escarcelle du comité AURA.
La course débridée des garçons
Sacré champion hier, Noa Isidore nous avertissait : « sur ce genre de circuit, il faut avoir un coup d’avance pour maitriser ses efforts car derrière c’est bim bam boum. » Ce n’est pas Paul Seixas qui le démentira, lui qu’on vit d’abord englué dans le peloton d’une course un peu confuse ou difficile à lire, et dont il dirait le soir qu’il n’y avait « rien compris. »
De fait, le groupe d’échappés est parti très tôt qui, même s’il perdra beaucoup d’éléments en chemin, ira bel et bien au bout – peut-être transcendé par les supporters déchainés qui avaient envahi le Roggenberg.
C’est de ce groupe initial que Camille Charret (AURA) s’extrairait à un tour et demi de l’arrivée, et c’est à lui qu’il résisterait jusqu’au bout, pour devenir champion de France U19 au courage et en gros rouleur, non sans avoir imposé au public un suspense haletant.
C’est dans ce groupe enfin que Paul Seixas, revenu du diable vauvert après avoir « rattrapé dans les deux derniers tours des grappes de coureurs les unes après les autres » (il faut dire que comme toujours les premières chaleurs sont furent sans doute responsables de quelques « serrages de moteur ») comprit enfin que son coéquipier était en tête, et en route vers le sacre.
« Quand j’ai enfin appris que Camille allait gagner, ça m’a consolé d’une journée confuse et difficile. Car, si je peux faire désormais partie des coureurs surveillés et avoir beaucoup de monde sur le porte-bagage, je n’admets pas les attitudes anti-sportives et agressives. Certains semblaient courir plus pour me faire perdre que pour faire une bonne course eux-mêmes. » Le coureur d’AG2R Décathlon U19 règlerait ce contentieux à la pédale, lâchant ses compagnons dans l’ultime mur, pour se lancer derrière Rémi Daumas, sorti entre-temps à la poursuite de Charret. Daumas ne rattraperait pas Charret, et Seixas ne rattraperait pas Daumas. Mais le comité AURA s’attribuerait à nouveau un titre et une médaille de bronze.