Interview Julien Sastre : « Il faudra se transcender »
Après Glasgow en 2023, et Rock Hill cette année, le doute n’est pas permis : l’Équipe de France de BMX Race masculine est la meilleure du monde. Mais on sait que les Jeux Olympiques sont une compétition à part. À moins de 2 mois de l’échéance Julien Sastre, le coach des pilotes français, nous livre son analyse de la situation.
Julien, quel point d’étape pouvez-vous dresser à moins de 2 mois de la course olympique ?
Eh bien, nous rentrons dans la dernière ligne droite, et ce que nous allons faire dans les semaines à venir sera déterminant quant à notre capacité à délivrer la performance le jour J. Les athlètes vont alterner les temps de préparation individuelle, et les temps de travail collectif. Ce qui m’intéresse, avec l’équipe masculine, c’est d’utiliser la dynamique de groupe pour que chacun progresse. Ce collectif-là est tout simplement le meilleur du monde. Pour se faire une idée du niveau de notre équipe, il suffit de penser qu’Arthur Pilard, le vice-champion du monde 2023 et champion d’Europe 2024 n’est « que » notre remplaçant ! Dans les 10 derniers mois, tous nos pilotes sont médaillés mondiaux ou champions du monde. En toute humilité, aucune autre équipe au monde ne peut revendiquer une densité comparable.
Plus précisément, qu’entendez-vous par « dynamique de groupe » ?
Je veux dire que notre niveau collectif crée un environnement incomparable : songez que chacun de nos 4 pilotes va s’entrainer avec 3 autres champions olympiques potentiels. Avec ces gars-là, le niveau des séances d’entrainement collectif, c’est un championnat du monde au quotidien ! Aucune autre nation ne peut arguer d’un tel schéma. Nous comptons sur le principe d’une saine émulation pour que chacun progresse en s’appuyant sur le niveau des autres.
Quel est le planning de l’Équipe de France pour ces dernières semaines avant l’objectif ?
En juin nous serons à domicile, à Saint-Quentin-en-Yvelines – comme à peu près toutes les nations mondiales nous occuperons nos créneaux d’entrainement sur la piste olympique. Et en juillet, nous nous installerons à Sarrians, dont nous connaissons bien les infrastructures. En gros, nous serons regroupés une semaine sur trois, les deux autres semaines étant dévolues aux préparations individualisées. Ce qui nous reste à faire, aussi bien chaque pilote individuellement que dans le cadre d’une démarche collective, est un travail sur les points de détail. Les fondations de la performance sont solides, mais dans notre sport il reste une foultitude de petits aspects techniques, matériels, stratégiques ou mentaux qu’il est toujours possible d’affiner.
Quel est l’état d’esprit des pilotes français ?
En termes d’état d’esprit, je peux vous dire que tout le monde est conquérant. Non seulement on va aux Jeux Olympiques pour gagner, mais on y va même pour tout prendre. Cela étant, chacun est bien conscient que pour atteindre cet objectif, il faudra faire encore mieux que d’habitude. Sur le papier la course des Jeux est une course comme une autre – elle est courue selon les mêmes règles – mais en pratique c’est une course différente. L’enjeu est tel que tout le monde est porté, tout le monde cherche à se transcender, à se hisser au-dessus de son meilleur niveau habituel, et nos adversaires peuvent toujours nous surprendre.
Que peut-on dire de la piste olympique de Saint-Quentin-en-Yvelines, maintenant qu’on la connaît bien ?
La première ligne droite est assez courte, autour des 85 ou 90m. À titre de comparaison, à Tokyo elle déroulait près de 140m, ce qui laissait aux pilotes un peu de temps pour se démarquer avant le premier virage. Là, on doit s’attendre à un pack très compact à l’entrée du virage, et donc à un niveau d’engagement vraiment maximal. La configuration de la piste promet une intensité extrême et des courses à suspense. Le reste de la piste est très exigeant techniquement, il y a beaucoup de bosses, et on peut assister à des dépassements dans tous les virages, et même dans la dernière ligne qui, elle, est plutôt longue. Il ne faudra pas se relever trop tôt !
Placez-vous un de nos pilotes au-dessus des autres ?
Non, impossible. Je l’ai dit, ils sont tous les 3, et même tous les 4, capables de gagner. Joris arrive avec à la fois toute son expérience et une confiance en soi revigorée par son titre récent de Rock Hill. Ajoutez à cela qu’il s’agissait pratiquement pour lui d’une course de reprise et qu’il a de la marge de progression, il y a de quoi être confiant. Mais c’est un peu la même chose pour Sylvain, qui s’est blessé à l’automne et dont le championnat du monde était la première course – si l’on excepte le test event. Quant à Romain, il a été piqué au championnat du monde alors qu’il avait les moyens de conserver son titre, il va donc arriver avec cette petite rage supplémentaire.
Nous n’avons pas parlé des filles ?
Pour les filles la donne est un peu différente. Chez les filles nous avons une seule place. Axelle est devant un défi. Elle est déjà montée sur un podium de Coupe du Monde depuis son retour en 2023, et donc nous savons tous qu’elle est capable de monter sur la boîte. Comme les garçons, elle arrive dans la dernière ligne droite, et en doit négliger aucun aspect de sa préparation, et j’ai confiance sur ce point. C’est sur le plan mental que sa situation diffère : en quelque sorte, elle doit arriver à croire qu’elle peut s’imposer, c’est presque une question de transgression. Elle doit y croire pour tout bousculer.