Interview François Trarieux, sélectionneur de l’Équipe de France de cyclo-cross
« Pour les jeunes, un championnat du monde, ça reste de la découverte ! »
À la veille du Championnat du Monde UCI Cyclo-cross 2025 de Liévin, nous avons consulté l’entraîneur national du cyclo-cross. Il nous a parlé de la façon dont ses troupes se préparent, des espoirs qu’il fonde, des chances françaises, et de l’état d’esprit qui règne en Équipe de France à l’approche de ce grand rendez-vous.
Comment l’Équipe de France a-t-elle occupé ces dernières semaines avant les Championnats du Monde UCI Cyclo-cross de Liévin ?
Après la Coupe du Monde de Benidorm, nous sommes restés en Espagne. Certains – la plupart des espoirs et des élites – y étaient d’ailleurs déjà en stage avec leurs équipes depuis la semaine précédente. C’est une chose que nous avons mise en place depuis que la manche de Benidorm existe et dont nous avons pris l’habitude. L’enjeu, c’est de pouvoir s’entraîner au soleil pour préparer la fin de saison, et spécialement les championnats du monde bien sûr. Si chacun rentrait chez soi, il risquerait de s’exposer à de mauvaises conditions. À cette époque de l’année, on a vu des athlètes rester sans pouvoir s’entraîner pendant plusieurs jours à cause de la neige. Ou simplement prendre froid. D’ailleurs nos adversaires font de même. À l’hôtel, nous croisions les Belges et les Italiens tous les jours.
C’est donc dire que si près de l’objectif, l’aspect purement physique ou physiologique de l’entrainement prime sur le travail technique ?
Oui, absolument. À moins de deux semaines d’un championnat du monde, on priorise l’aspect récupération ou gestion de la fatigue. Clairement, il vaut mieux s’entrainer au sec par 15 ou 20°C que par 3°C sous la pluie. Bien sûr aussi, si près de l’objectif et en fin de saison, il faut individualiser les programmes au maximum, et je suis en contact étroit avec les entraineurs des uns et des autres. Cependant j’accorde une grande importance à la vie commune. Il est important que le groupe au complet soit réuni, de sorte à ce que les élites partagent leur expérience avec plus jeunes. Car c’est aussi l’occasion de parler stratégie, d’analyser ensemble l’adversité, etc.
Quel bilan tirez-vous de ces dernières manches de Coupe du Monde, à Benidorm, puis à Maasmechelen pour les élites, et Hoorgerheide ?
Nous avions eu d’excellents résultats à Benidorm. En juniors on a gagné avec Lise [Revol], et Sören [Bruyère-Joumard] fait 2ème, Aubin [Sparfel] est 3èmechez les espoirs, et Célia [Géry] 4ème. Quant aux élites, ils ont très bien marché aussi, avec les 10 et 11èmeplaces de Joshua [Dubau] et Clément [Venturini] et le tir groupé des filles [Amandine Fouquenet, Hélène Clauzel et Célia Géry finissent 11, 12 et 14ème]. C’est donc un excellent week-end, le seul point c’est la chute de Lison [Desprez, juniore 2] qui s’est un peu blessée à la cheville, et que j’ai fait arrêter tout de suite.
Les radios n’ont décelé aucun trait de fracture, mais le choix de la prudence était le bon, elle est remontée sur le home-trainer le mercredi suivant, après quelques jours de repos indispensables. C’est peu de conséquence sur sa place au classement général de la Coupe du Monde puisque, chez les jeunes, seuls les 4 meilleurs résultats des 6 manches sont pris en compte. Cela ne compromet donc pas, non plus que pour Léo Bisiaux qui n’a pas pris le départ à Benidorm, son placement sur la grille de départ à Liévin.
Le dernier week-end était un peu plus difficile, très technique et très « belge », pour ainsi dire. Ce qui n’a pas empêché Amandine Fouquenet d’intégrer son premier top 10 [9ème], Aubin Sparfel de se classer 2ème de la course espoir. Quant à nos juniors, Lise Revol arrive 5ème, et Soren Bruyère-Joumard 4ème, mais surtout il remporte le classement général de la Coupe du Monde.
Et ces jours-ci, les tout derniers jours précédant la compétition – quel est le programme ?
Les derniers jours sont centrés sur la récupération, bien sûr – il s’agit de « faire du jus », comme on dit. Que chacun se ressource de son côté, récupère le maximum de fraîcheur physique et mentale, avant de retrouver le groupe, jeudi ou vendredi. Sur-place, nous ne changerons rien à notre schéma-type. Coureurs ou staffs, on ne parle que de personnes qui ont fait toute la saison avec l’Équipe de France. Des coureurs aux mécanos en passant par les kinés ou par la gestion du paddock, nous avons tous nos automatismes pour que les journées de course se déroulent sans accroc, sans stress, pour qu’aucune dépense d’énergie inutile ne viennent parasiter le déroulement des choses. Ce cadre hyper-stable conditionne aussi la réussite de la course. En arrivant, la plupart feront la reco du circuit mais de façon très allégée, en compagnie d’Arnaud Jouffroy qui est notre conseiller technique, en concertation avec qui les athlètes valident les derniers points de détail, les trajectoires notamment.
Quels sont vos pronostics ou vos attentes, quant aux résultats de l’Équipe de France ?
Tout dépendra de la façon dont ils et elles vont gérer la pression. Mais quoi qu’il en soit, je me refuse à faire des pronostics. Pour ce qui concerne nos juniors et nos espoirs, tout est possible. Ce que je peux dire, c’est que lorsque vous avez des coureurs qui se battent toute la saison pour la gagne en Coupe du Monde, ils ne viennent pas pour passer les plats et faire 10ème au championnat ! Mais moi je ne veux pas leur mettre la pression. Allons ! On connaît des athlètes qui mettent des années à se régler pour aller chercher un titre mondial ou olympique, et il faudrait demander à des jeunes qui sortent tout juste des cadets d’être directement prêts au jour J, sur une course internationale qu’ils découvrent !?
Ça n’a pas de sens. Lise et Jeanne sont J1, Soren idem, bon… On s’interdit de le dire, mais pour ces catégories-là, championnat du monde ou pas, ça reste de la découverte ! Même chose avec Aubin et Célia, qui sont espoirs 1 et qui vont courir avec des athlètes plus âgés qu’eux de 1, 2, voire 3 ans ! L’enjeu n’est pas sur leurs épaules. Si on fait zéro médaille chez les jeunes, mais que Clément [Venturini] est 3ème, ce sera une réussite, puisque ça fait longtemps que ça n’est pas arrivé. Et que la concurrence est rude !
Le cyclo-cross n’est-il pas la moins « planifiable » des disciplines cyclistes ?
C’est délicat, en tout cas. En cyclo-cross, les aspects tactiques et techniques sont très importants, ce qui renforce la dimension d’incertitude. Le pilotage est primordial car terrain est très changeant, plus qu’en VTT sans doute, au sens où l’on prend appui dans les ornières pour virer et que, d’un tour de circuit à l’autre, la bonne trajectoire peut changer.