Championnats du Monde

Soren Bruyère-Joumard, un portrait.

Champion de France cadet l’année passée, désormais junior première année, Soren Bruyère-Joumard, vainqueur du classement général de la coupe du monde juniors de cyclo-cross, est aussi devenu vice-Champion du Monde ce dimanche à Liévin. Bref portrait.

Dimanche 2 février 2025, en fin de matinée, le soleil s’affrontait encore à la terre glacée, et sous les roues des coureurs juniors, le sol serait piégeux – encore dur ici et là déjà collant.
Il n’aura fallu à des athlètes si jeunes que peu de temps, finalement, pour se retrouver là, dans cette oblique lumière orangée, sous la tonitruance des haut-parleurs, et sur la ligne de départ de ce championnat du monde de cyclo-cross.

Quant à lui plus particulièrement, c’était hier qu’il enfilait ses premiers cuissards, qu’il esquissait son premier crawl, faisait ses premiers tours de roues et déroulait ses premières foulées – c’est par le triathlon qu’il est venu au sport.

Hier, qu’il disputait ses premières courses cyclistes, VTT cross-country d’abord, puis cyclo-cross.

Cadet, il a gagné presque tout ce à quoi il a participé, jusqu’à ce titre national de cyclo-cross conquis à Camors, l’hiver dernier. Et cette année rebelote, en plus impressionnant encore : junior première année, pour ses débuts à l’international, le voilà vainqueur de 2 manches et du classement général de la coupe du monde !

De succès en succès, il n’a semblé s’étonner de rien – mais, qui sait ?

Aujourd’hui, dans cette combinaison si ajustée que l’enfiler requiert une grande souplesse d’épaule, sous les couleurs de l’équipe de France, Soren Bruyère-Joumard (il porte les noms de ses deux parents) ne laisse rien paraître. Il se place en première ligne conformément à son statut, au côté de Mattia Agostinacchio, dont chacun sait déjà qu’il sera son plus rude adversaire. Le visage mangé par de larges lunettes, il ne laisse rien paraître.

On le répute insouciant, mais les apparences et la vie intérieure sont parfois en désaccord. Dans une heure, à la presse, il confiera avoir eu du mal à dormir.

On connait la suite, et il n’est plus temps d’énumérer les faits de course. Un beau départ, une chute précoce provoquée par un autre concurrent, dont il reviendra assez facilement, mais qui lui a peut-être coûté cette cartouche de sucre qui eût été précieuse dans le final – cela non plus, on ne le saura pas, longue est décidément la liste de nos ignorances. Une course menée presque de bout en bout dans la maitrise de ses émotions et de sa technique, mais le retour irrésistible de Mattia Agostinacchio, et une (énorme) médaille d’argent au bout du compte, et autour du cou.

Mais, quelques secondes après son incontestable vainqueur du jour, le Français passait pourtant la ligne le poing levé, heureux. Le corps boueux et l’esprit lucide, parfaitement conscient de la valeur de sa performance.

Resterait le passage obligé mais pas désagréable eu égard aux circonstances devant les lentilles optiques, et les journalistes aux micros tendus. Lui dirait son bonheur, et le coach sa fierté.
Puis la cérémonie protocolaire, le bonheur exotique et peut-être paradoxal d’écouter un hymne qui n’est pas le sien. Celui d’offrir au monde du cyclisme ses yeux clairs, et son visage encore mal dégagé de l’enfance.