Jeux Olympiques

Florian Rousseau : réussir ses Jeux Olympiques, une question d’état d’esprit 

jo paris 24 cyclisme

Directeur du programme olympique à la FFC, Florian Rousseau se présente comme « un amoureux des Jeux. » Tout en dressant le bilan de mi-parcours de l’équipe de France, il explique pourquoi la réussite dans une compétition si particulière est fondée sur un état d’esprit qu’il a cherché à faire advenir.

À brûle-pourpoint, quel est le bilan de mi-parcours pour le cyclisme ?

Certes, à mi-parcours, c’est un bon, très bon bilan. Pour autant la ligne d’arrivée n’est pas franchie. On pourrait parler de temps de passage : ils sont bons, mais il faut finir fort aussi, soit dit sans vouloir mettre de pression excessive aux athlètes ! Mais j’ai envie de dire qu’il n’est presque pas besoin de parler de résultat pour affirmer que jusque-là nos Jeux sont réussis. Car si les résultats sportifs s’obtiennent évidemment sur la base d’une bonne préparation physique, technique et tactique, réussir ses Jeux Olympiques exige aussi un état d’esprit particulier sans lequel, aussi fort soit-on, on a toutes les chances de se planter.

Pouvez-vous développer ?

Pour moi, les Jeux ont toujours été une expérience à part, comparable à aucune autre. C’est ce que je répète, je martèle à tous nos athlètes depuis 3 ans. Et conséquemment, ce que j’appelle l’état d’esprit olympique est présent dans l’Équipe de France. Voyez les coureurs médaillés sur route. Ils ont l’habitude d’une compétition qui s’appelle le Tour de France, et ils ont le sentiment d’avoir vécu ici une expérience unique, incomparable. Ils n’avaient jamais été encouragés avec une telle ferveur. Ils découvrent à quel point les Jeux sont grands.

Les athlètes eux-mêmes doivent donc adopter cet ‘’état d’esprit olympique’’ ?

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J’ai organisé une totale horizontalité entre les disciplines. Être vététiste, pilote de BMX, pistard ou coureur sur route, c’est secondaire : nous sommes l’Équipe de France olympique de cyclisme, sans autre distinction de statut. Nous sommes hébergés tous ensemble pour la durée des Jeux, et les cyclistes de toutes les disciplines partagent leur quotidien. Le matin de sa course, très naturellement, Pauline [Ferrand-Prévôt] a pris le petit-déjeuner avec les pilotes BMX. Tous, ils regardent ensemble les compétitions à la télé. Il y a plus qu’un respect mutuel, ils s’admirent les uns les autres. On a tous regardé la finale du BMX Race vendredi soir, et je peux vous dire que les routiers étaient remontés à bloc –

peut-être même certains ont-ils eu un peu de mal à s’endormir ! Ils avaient hâte d’y être à leur tour, ils voulaient faire la même chose. Quand le lendemain Julian [Alaphilippe] a croisé Joris Daudet, Sylvain André et Romain Mahieu, il était super impressionné, il leur a parlé comme un fan !

L’état d’esprit est important, certes, mais il faut ‘’avoir les jambes’’ pour obtenir des résultats en cyclisme  ?

C’est évidemment la recherche de performance qui a guidé tous mes choix pratiques, notamment celui du lieu d’hébergement. Nous sommes logés au calme à proximité des sites de compétition, les routiers étaient même sur le parcours de la course en ligne, et ils pouvaient s’entrainer au départ même de l’hôtel. Nous sommes isolés, et bénéficions d’une grande quiétude. Nous n’avons rien laissé au hasard : la qualité de l’alimentation grâce au travail en amont et à la présence du nutritionniste Valentin Lacroix, celle des kinés et de tous les corps de métier dédiés à la performance, la salle de musculation que nous avons en grande partie déménagée depuis le vélodrome national, les mécanos. Je voulais créer un environnement favorable pour que l’esprit des athlètes soit disponible, et pour qu’entre eux et les Jeux Olympiques puisse naître une histoire d’amour. Moi je suis un amoureux des Jeux, et je voulais transmettre ça, leur faire ce cadeau. Il semble que jusque-là, ça a fonctionné.

Avez-vous repéré aussi des points de dysfonctionnement ou, disons, d’améliorations possibles dans votre organisation ? 

Pour l’instant je n’en suis pas là. Bien sûr, on peut toujours améliorer des choses, des détails. Je prends des notes, mais je ne réfléchis pas à chaud. D’autant que la mission n’est pas achevée, il reste la semaine de piste. Pour l’instant nous avons des raisons de croire que ce projet – que je n’ai pas construit seul mais avec Cédric Chaumond, puis avec les personnes que nous avons agrégées ensuite, Séverine Maillet, Alexandre Urbain, Thibault Mauduit, sans oublier nos deux assistantes Céline Bouton et Emmanuelle Lapierre – que ce projet dis-je, était plutôt bien ficelé ! Pour l’instant nous sommes dans le contexte des Jeux de Paris 2024, nous gérons avec l’agilité nécessaire les quelques imprévus qui peuvent encore survenir. Je ne me projette pas plus loin pour le moment.

Parlons des résultats : 8 médailles dont deux d’or pour le cyclisme français à mi-parcours. Êtes-vous surpris par de telles performances ? 

Surpris, non. Les Jeux sont une compétition à part, je redéveloppe. Certains sportifs étaient – ou sont – très attendus. Mais les Jeux permettent aussi à d’autres de se transcender. Je veux dire que l’énergie de l’évènement lui-même traverse l’être humain et le sublime. De ce point de vue, les résultats de nos cyclistes s’inscrivent dans le cadre plus large de la réussite de l’Équipe de France. Les médailles appellent les médailles, ce n’est pas un vœu pieux, c’est un fait. Par ailleurs, je ne peux pas être ‘’surpris’’ par de bons résultats : nous ne travaillons que pour ça depuis trois ans. Personnellement, j’ai toujours dit que les Jeux Olympiques étaient notre seul et unique objectif. Que toutes les autres compétitions, championnats du monde compris, ne devaient être considérées que comme des points de passage vers les Jeux. Je veux souligner que cette vision de long terme a été l’occasion d’une montée en compétence pour tous les staffs.

Comment intègre-t-on « la part d’échec » dans l’Équipe de France de cyclisme ? Pour l’heure, seules nos trois routières sont rentrées bredouilles

Notre rôle, le rôle des coachs en premier lieu, c’est de continuer à prendre soin des athlètes dans les moments moins agréables. Je crois que concernant les filles, les mots ne sont pas si difficiles à trouver, même s’ils n’effaceront pas leur déception. Non seulement elles n’ont pas fait de contre-performances – la quatrième place de Juliette dans le chrono, et si près de la médaille, en est la preuve la plus évidente. Quant à la course en ligne, malheureusement leur échec est largement imputable à cette chute intervenue avant la première ascension de la butte Montmartre, qui a piégé un très grand nombre de favorites. Songez que même les Vollering, Wiebes ou Dygert n’ont jamais réussi à revenir. Nos filles n’ont rien à se reprocher, et leur manque de réussite personnelle ne les exclut aucunement de la réussite collective.  

Pensez-vous que ces Jeux de Paris, si particuliers vu qu’ils se déroulent dans un décor grandiose, ajoutent à la grandeur des performances ? 

Au plan personnel, il me semble que le sport contribue à mettre Paris en valeur, et réciproquement, que la présence en arrière-plan de ces sublimes monuments bénéficie à l’image du sport, marque les mémoires. Quant à moi, je crois que je verrai Paris différemment désormais. Et je sais que c’est aussi le cas de beaucoup d’athlètes.