Quels glucides choisir, et comment les consommer ?

L’utilisation des sucres et des graisses à l’effort, voilà bien le thème le plus rebattu de la nutrition sportive. Les premiers nourriraient les efforts de haute intensité, quand les secondes assureraient les allures de base. Cette vision n’est pas entièrement fausse, mais mérite d’être nuancée.
Le but est de préciser la façon dont se croisent les courbes d’utilisation des glucides et des lipides avec l’intensification de l’effort. Quelles sont les stratégies de nutrition et d’entraînement permettant d’augmenter l’oxydation des graisses, et comment switcher entre mode « éco » et mode « sport » ?
D’une façon générale, lors d’un exercice physique à basse intensité, nous utilisons essentiellement les lipides pour produire de l’énergie et nous mouvoir. Lorsque l’intensité augmente, nous utilisons davantage de lipides et de glucides, jusqu’à un point où l’utilisation des lipides est maximale.
Ce point d’utilisation maximale des lipides est appelé « Fatmax ». Il correspond à une intensité au-delà de laquelle, la quantité de glucides utilisée continue d’augmenter pendant que le volume de lipides oxydés diminue.
Aux intensités maximales (VO2Max et au-delà), nous utilisons presque exclusivement des glucides.
Cette zone de Fatmax correspond à une intensité légèrement supérieure au premier seuil lactique ( 1,5 à 1,8mmol), soit la partie haute de la zone I2 sur l’échelle d’ESIE.
Bien sûr, il existe une variabilité interindividuelle, liée à notre patrimoine génétique.
Mais outre l’héritage, d’autres facteurs déterminent cette proportion d’utilisation des graisses et des sucres.
- Le sexe : les femmes sont plus économes, consomment plus de lipides que les hommes.
- L’entraînement : l’entraînement en endurance, et jusqu’à des intensités relativement élevées, favorise l’oxydation des lipides. Néanmoins s’entraîner à haute intensité, tend à réduire cette capacité.
- L’activité précédente (donc la durée de l’effort) : avoir réalisé des exercices avant l’entraînement considéré montre une meilleure oxydation des graisses.
- Le régime alimentaire : pauvre en lipides, il ne permet pas d’améliorer leur oxydation à l’effort. L’enrichissement en protéines, en revanche, permettrait de l’augmenter. L’apport de polyphénols et d’Omega3 y serait également favorable.
- Le jeûne.
- La consommation de glucides pendant l’effort : semble n’avoir pas ou peu d’impact immédiat sur l’oxydation des graisses, mais l’améliore à long terme en ce qu’elle permet d’augmenter la charge d’entraînement.

Pour les cyclistes, et sans réduire la performance à ce seul facteur, il est évidemment intéressant de hausser ce point de Fatmax. Augmenter la quantité d’énergie produite exclusivement par les lipides, c’est améliorer le rendement à faible intensité. C’est aussi diminuer la fatigue induite par l’épuisement des réserves de glycogène (fatigue centrale, mauvaise récupération, crampes, etc.)
Est-ce à dire qu’il faille en passer par un régime « cétogène » – à savoir, riche en lipides, modéré en protéines, et très appauvri en glucides ?
La réponse est clairement « non », mais elle consiste à ajuster précisément les apports glucidiques aux séances d’entraînement et aux intensités d’effort.
Il s’agit donc aussi bien d’organiser ses repas, et d’adapter l’apport glucidique à la charge du jour, que de systématiser la prise énergétique pendant l’effort. L’éducation en la matière est indispensable, car ces apports glucidiques rationalisés sont essentiels pour optimiser les séances d’entraînement et la progression, à court comme à long terme.
Les glucides, une réalité plurielle
Chacun sait qu’il faut distinguer glucides « complexes » et glucides « simples ».
Au rang des premiers, les céréales, tubercules et légumineuses (sarrasin, lentilles, pois chiche, haricots secs, quinoa, pomme de terre, patate douce, châtaigne, blé, épeautre, avoine, riz, etc.) Et des seconds les fruits légumes, les produits sucrés et produits laitiers (glucose, fructose, lactose, saccharose)
Le rôle principal des glucides est d’apporter de l’énergie aux muscles et à certains organes vitaux (cerveau, cœur…) Il est nécessaire de connaître le fonctionnement de la glycémie pour apprendre à choisir et gérer ses apports. La pasta party de veille de course témoigne d’une vision dépassée de cette gestion.
La glycémie est le taux de sucre circulant dans le sang. Elle est régulée entre un minimum et un maximum pour que l’organisme ait suffisamment d’énergie au fil de la journée. Lorsque nous ingérons des glucides, la glycémie s’élève. En réaction, et à proportion de cette augmentation de la quantité de sucre sanguin, le corps sécrète une hormone, l’insuline, qui stabilise la glycémie. L’ingestion d’une trop grande quantité de sucres simples augmentant brusquement la glycémie, suscite une réaction insulinique proportionnelle, provoquant une hypoglycémie dite réactionnelle. On cherchera alors à la compenser par une nouvelle prise de sucre, enclenchant le cercle vicieux hyper/hypo glycémie. C’est ce qui se passe avec les petits déjeuners trop sucrés (céréales…) appelant un en-cas à 11 h, ou un déjeuner trop chargé en féculent incitant à grignoter vers 16 ou 17h… une histoire sans fin.
L’opposition sucres lents/ sucres rapides est donc un paradigme dépassé, et peu pertinent. On évalue aujourd’hui l’effet des aliments sur notre glycémie selon deux indicateurs : l’index et la charge glycémique.
L’index glycémique cherche à rendre compte de la vitesse et de l’ampleur de la réaction glycémique après ingestion. Les glucides à fort index glycémique entraînent des pics glycémiques rapides et élevés, et à l’inverse plus l’index est faible plus la montée du taux de sucre dans le sang sera douce et progressive.
Or, ces réponses glycémiques influencent les hormones et le métabolisme. L’insuline déchargée par le pancréas en réponse à l’élévation de la glycémie, favorise le stockage du glucose dans le muscle squelettique. Elle a également pour effet de réduire l’oxydation des graisses.

À l’inverse, l’ingestion de glucides à index glycémique bas réduit la réponse insulinique et favorise l’oxydation des graisses.
Cependant il ne suffit pas de raisonner à partir de l’index glycémique d’un aliment. Un repas est l’occasion de nombreuses interactions. Un morceau de sucre (IG = 100) n’induira pas la même réponse insulinique s’il est pris seul loin d’un repas (réponse forte) ou à la fin d’un repas. De fait la présence de fibres, de graisses et de protéines, mais aussi la texture, le degré de cuisson de l’aliment glucidique (plus c’est cuit plus l’IG augmente : mieux vaut, donc, cuire les pâtes al dente) sont autant de paramètres qui modulent la libération du sucre dans le sang.
Quant à la charge glycémique, c’est le produit de l’index glycémique par la quantité de glucides présents dans l’aliment. On peut calculer la charge glycémique d’un repas en prenant en compte tous les aliments, même ceux qui ne contiennent pas de glucides (viande, poisson, œuf, huiles) et qui, ayant une charge glycémique égale à 0, ont un « effet diluant ».
Ainsi 150g de lentilles cuites – lentilles dont l’IG est de 30 – représentent une charge glycémique de 7,7. Pour obtenir la même charge avec du riz blanc cuit (60 < IG < 80), il suffit de 40g, voire moins !

Sur cette base, on peut dégager 3 règles :
- Pas un repas sans légumes (fibres et polyphénols)
- Pas de produits sucrés de façon isolée (par ex., « diluer » l’effet des sucres d’un biscuit avec une poignée d’amandes)
- Favoriser les céréales complètes, et les légumes secs.
De plus, au cours de la journée, l’organisme réagit différemment à l’absorption de sucres.
Le matin, après une nuit de jeûne, il est très sensible aux variations de glycémie. Il sera donc judicieux, pour votre énergie physique et intellectuelle, pour votre poids et votre santé, de :
- Composer votre repas avec une dominante de protéines (œuf, jambon, blanc de poulet, fromage) et de graisses de qualité (amandes, noix, noisettes, entières ou en purée mais sans sucre)
- Un fruit de saison (pas de jus de fruit : la forme liquide libère plus rapidement les sucres dans le sang)
- Selon votre programme d’entrainement de la matinée, ajoutez plus ou moins de féculents complets (pain complet, muesli sans sucre…)
- Éventuellement un peu de miel ou de confiture ou de compote.
Il est donc important d’associer systématiquement des « végétaux » aux féculents et aux produits sucrés, ils préviennent certaines pathologies liées aux mécanismes de glycation.
Pendant l’effort proprement dit, l’organisme utilise les glucides comme carburant, et c’est à ce moment qu’il faut privilégier les produits à index glycémique élevé. En effet, la régulation insulinique est très différente à l’effort, si bien que les grosses fluctuations glycémiques sont impossibles (sauf à ne pas s’alimenter).
Dans les deux heures suivant l’effort, l’organisme tourne encore à plein régime, et c’est le moment de refaire les niveaux. Là encore, les aliments à haut IG (riz blanc, pomme de terre, jus de fruit) sont bienvenus, ils permettent de refaire les stocks, aussi bien que de réparer la fibre musculaire.