Échauffement – septembre 2023

Par E. Brunet, Q. Rousseau, V. Nicaise, V. Lacroix, S. Guirronnet, I. Sachet & Y. Cherbonnel

échauffement cycliste

L’échauffement avant une compétition

Pour la dernière occurrence de cette rubrique pratique éclairée par la science, nous abordons un sujet qui concerne tous les cyclistes et toutes les disciplines. Pour commencer, imaginons une histoire fictive, totalement fortuite, dont toute ressemblance avec une situation réelle ne serait donc que coïncidence. Vous êtes entraîneur d’une équipe qui s’apprête à prendre le départ d’une compétition importante, et qui doit donner le maximum. Tout le monde s’affaire sur son home-trainer, écouteurs sur les oreilles, la fiche-protocole bien fixée sur le guidon, et la rougeur des teints, le dégouttement de la sueur montrent bien qu’on ne se ménage pas ! Un passant ne connaissant rien à ce sport vous demande pourquoi les athlètes font ça. Ne risquent-ils pas d’être fatigués avant le départ ? Pourquoi transpirer tant sur un home-trainer plutôt que de, plus simplement, faire du vélo ? N’auront-ils pas puisé dans leurs réserves, perdu une énergie précieuse pour la fin de la compétition ?

Autant de questions auxquelles on n’apporte que des réponses assez vagues, autant de coutumes qu’on peine à justifier précisément. Par ailleurs, l’évolution des connaissances nous a poussé à toujours vouloir ajouter des blocs spécifiques à l’échauffement, conduisant parfois à des protocoles un peu abracadabrantesques. Plus que d’apporter une réponse aux curieux croisés sur les paddocks, l’enjeu de cet article est de rétablir un regard critique sur certains a priori concernant l’échauffement, et d’apporter des conseils éclairés par les dernières études scientifiques.

S’échauffer : pourquoi, au fait ?

On sait que l’échauffement est un fondamental inculqué très tôt dans le sport, notamment selon cet argument historique qui a traversé tout l’enseignement du sport scolaire (Maquaire, 2007), qui en fait un facteur anti-blessure. On reconnaît aussi qu’en prélude à l’entraînement – et a fortiori, à la compétition – il permet aussi d’améliorer les conditions de la performance. À ce titre, les objectifs d’un échauffement sont tout d’abord d’augmenter la température musculaire (Bishop, 2003), d’améliorer le fonctionnement du métabolisme musculaire et cardiovasculaire, et d’optimiser l’état psychologique. Pour cela, on va utiliser des méthodes actives (exercices) ou passives. On recherche aussi très souvent des effets potentiateurs (effets d’amélioration de la capacité de performance immédiate après application d’un exercice spécifique). Commençons par décrire les exercices qui permettent de répondre aux fondamentaux. Puis, au fil de cet exposé, nous évoquerons ces effets aigus d’amélioration de la performance.

Il y a une dizaine d’année, une équipe canadienne a souhaité comparer deux protocoles d’échauffement : l’un traditionnellement utilisé en cyclisme sur piste, et un autre plus court (Tomaras & MacIntosh, 2011). Le protocole identifié comme « traditionnel » par les entraîneurs de haut-niveau correspondait à un exercice progressif en intensité, suivi d’accélérations de deux minutes, de plusieurs sprints maximaux et de récupérations, pour une durée totale de 50 minutes. Le protocole comparé, quant à lui, ne durait 15 minutes, et était composé d’une augmentation progressive de l’intensité, une accélération de 30 secondes, un sprint de 6 secondes et une récupération active de 4 minutes. Les auteurs ont mis en avant les intérêts de ce protocole plus court :

  • Augmentation de la capacité à produire de la force d’environ 2% ;
  • Augmentation de la puissance produite d’environ 5% et moins de perte de puissance ;
  • Aucune différence au niveau métabolique ;
  • Aucune différence au niveau du recrutement musculaire ;
  • Aucune différence au niveau de la température cutanée.

Ces études ont donc permis de conclure que 15 minutes suffisaient à augmenter la température corporelle ; que l’augmentation de l’intensité devait être progressive sans atteindre les niveaux maximaux pour éviter trop d’accumulation d’acide lactique et ne pas créer de fatigue musculaire ; et qu’un seul sprint suffisait à activer le potentiel à produire une puissance maximale élevée.

Cela nous permet de nous faire une première idée concernant la durée d’un échauffement, composante nécessaire pour s’organiser et « minuter » convenablement le temps de préparation avant le départ. Dès lors, se pose aussi la question du délai entre la fin de l’échauffement et le départ. West & coll. (2013) ont comparé les effets sur la performance en natation (200 mètres style libre) d’un échauffement exécuté soit 20 minutes, soit 45 minutes avant le départ. Lorsque les nageurs n’avaient que 20 minutes de repos entre l’échauffement et le départ, ils ont eu de meilleurs résultats : de 0,62 à 4,2 secondes de moins que lorsque le temps de repos avait été de 45 minutes. Cela s’expliquerait par une moindre diminution de la température corporelle entre l’échauffement et le départ.

Ainsi, il serait pertinent de terminer sa période d’échauffement peu de temps avant le départ de la course afin de maintenir une température corporelle élevée et d’optimiser sa performance.

À ce stade on peut se poser la question de savoir si un écart encore moins long entre l’échauffement et la course s’accompagnerait d’une meilleure performance – et donc questionner l’intérêt de maintenir des exercices durant les périodes dites de transition. Ou encore, interroger l’impact du port de tenues destinées à conserver le gain de température généré par l’échauffement. Toujours en natation, une équipe australienne a souhaité comparer les méthodes au cours de cette phase de transition (d’une durée de 30 minutes) avant de réaliser un 100m nage libre (McGowan & coll, 2016). Ils ont remarqué qu’une attente passive avec un survêtement ou avec des gilets chauffants faisait baisser la température centrale de 0,5°C. Au contraire, maintenir des exercices permettait de réduire cette chute de température centrale. Surtout, mixer des exercices avec une tenue chauffante semblait être la meilleure solution pour maintenir la température centrale. Précisément, l’étude a montré un gain de 1% de performance), en associant le port de tenues chauffantes à des exercices proches de la gestuelle de nage pendant 5 minutes, à intensité maximale.

À la lumière de ces premières études, nous comprenons aisément que le critère de température est l’élément fondamental de l’échauffement, lequel porte donc très bien son nom ! Les exercices proposés ont donc pour objectif principal de contribuer à cette augmentation de température centrale. De nombreux signaux physiologiques, comme le début de transpiration doivent nous aider à percevoir ce gain de température. La gestion de la phase de transition est un élément important à prendre en compte pour éviter de laisser chuter cette température. On comprend alors aisément que les adeptes du cyclo-cross risquent d’avoir des stratégies distinctes de tous les autres spécialistes dont les objectifs principaux se situent entre juin et août ! Nous reviendrons un peu plus tard sur les conditions en ambiance chaude !

À quelle intensité ?

Les études que nous venons de citer et de nombreuses autres se sont attachées à la qualité de l’échauffement et notamment la réalisation d’exercices intenses et leur bonne répartition.

Wittekind & Beneke  (2011) ont étudié trois niveaux d’intensité d’échauffement (facile, modéré et intense) avant la réalisation d’un sprint d’une minute en cyclisme avec des cyclistes entraînés. L’échauffement intense consistait en 4 minutes à intensité faible, suivie d’une minute à 110% de leur PMA. S’ensuivaient 10 minutes de transition. Les intensités faciles et modérées correspondaient respectivement à 40% et 80% de la PMA. En dépit d’une lactatémie plus élevée au début du sprint (4mmol), les cyclistes ayant réalisé un échauffement intense produisaient des niveaux de puissance comparables (quelques watts de plus), mais enregistraient un plus grand taux d’apport d’énergie par la filière aérobie. Peu de temps après, une équipe britannique soutenue par UK Sports a souhaité comparer deux méthodes d’échauffement pour des coureurs à pied spécialistes de 800 mètres (Ingham & coll., 2013). Les échauffements alors couramment pratiqués correspondaient à réaliser un footing à allure légère, suivi de plusieurs « lignes » de 50m à allure cible de course. Le nouveau protocole proposé diminuait le nombre de lignes de 50m pour remplacer 4 d’entre elles par une distance unique de 200m à la même allure. Ce deuxième groupe a non seulement couru plus vite d’une seconde en moyenne, mais a surtout utilisé davantage la filière aérobie, la dette d’oxygène étant moindre que celle du premier groupe.

Comme de juste, la question de l’intensité ne peut être séparée du temps de récupération suivant l’échauffement – et que nous avons appelé « transition. » C’est ce qu’avait démontré une équipe britannique (Bailey & coll., 2009). Un premier groupe réalisait 4 minutes d’échauffement sans charge puis un exercice intense jusqu’à épuisement. Trois groupes réalisaient un échauffement de 4 minutes suivi de 6 minutes à une intensité de 40% au-dessus du deuxième seuil ventilatoire (SV2), avec 3 périodes de transition (3, 9 et 20 minutes). Trois autres groupes réalisaient le même protocole, avec une intensité de 80% au-dessus du deuxième seuil ventilatoire, soit proche de leur PMA. Les groupes ayant travaillé à intensité de SV2+40% augmentaient leur performance de 2 à 8% par rapport au groupe contrôle. Quant aux groupes ayant réalisé l’échauffement à intensité SV2+80%, ils enregistraient des performances variables : ceux ayant récupéré 3 minutes diminuaient leur performance de 16%, alors que ceux ayant récupéré 9 et 20 minutes amélioraient respectivement leur performance de 15 et 30%. Ces auteurs ont mesuré la consommation d’oxygène au cours des exercices et mis en avant que les exercices les plus intenses, à condition d’être suivis par un temps de récupération suffisant (a minima 9 minutes), permettaient d’améliorer la cinétique d’oxygène. En d’autres termes, réaliser un échauffement intense suivi d’une récupération de 9 à 20 minutes permettrait de mobiliser plus rapidement la filière aérobie et ainsi d’améliorer sa capacité de performance lors d’un exercice intense.

Concernant les disciplines explosives (inférieures à 1 minute) qui nécessitent d’avoir le niveau maximal de performance dès le départ, de nombreuses études se sont intéressées aux effets de potentiation – notamment Mc Gowan & coll. (2015). Selon eux le gain de performance attendu peut aller de 2 à 5%. Il dépend cependant de l’expérience et du statut d’entrainement, notamment des qualités de force, de la gestion de la transition qui suit et de l’intensité de l’exercice proposé. Ce qui laisse entendre que les effets sont très individuels. Généralement, les gains de performance sont attendus après une durée de 7 à 10 minutes. On peut utiliser différents exercices, comme des sprints, des squats, mais les sauts sont certainement les plus faciles à mettre en place à proximité du départ. Ainsi, réaliser 3 « drop jumps » (saut en contrebas) avant le départ permettrait donc d’améliorer la performance dans les disciplines explosives.

Ne pas entamer ses réserves énergétiques

Qui dit intensité et durée, dit consommation d’énergie. À « trop s’échauffer », ne risque-t-on pas de dilapider une énergie dont on aurait bien besoin à la fin de l’épreuve ? La question est pertinente. Cependant, nous avons vu auparavant qu’il n’était pas nécessaire d’allonger la durée d’échauffement et que la durée de la partie intense n’était que de 6 minutes. Le coût énergétique est donc modeste.  De plus, pour palier à la dépense, autant que pour permettre un bon fonctionnent métabolique, nous recommandons de consommer dès le début de l’échauffement une boisson énergétique de l’effort, sensiblement identique à celle utilisée en compétition, comportant des glucides de plusieurs sources. De fait, les apports d’avant course sont trop souvent constitués uniquement du bol de céréales, de la baguette de pain ou du plat de pâtes. Or il est utile de prévoir une source de fructose pré-effort, pour restaurer ou maintenir les réserves d’énergie du foie, lesquelles influencent le cerveau. Cette pratique peut améliorer les performances et le temps avant épuisement d’environ 5%. Une boisson d’attente ou une simple pâte de fruits avant le début de l’échauffement sera suffisante (Podlogar & coll., 2022).

Poursuivre la consommation de cette boisson pendant la phase de transition permet de rester hydraté, ce qui est d’autant plus important lors d’exercices longs, et de ne pas puiser dans les stocks de glycogène pour reconstituer les stocks d’ATP utilisés pendant l’échauffement. Rappelons aussi que le fait d’arriver hydraté au moment du départ est le principal élément pour favoriser la thermorégulation en course. En conditions chaudes notamment, la hausse de température de l’organisme va réduire la capacité de performance. Difficile voire impossible de compenser les pertes hydriques pendant l’effort., Or, 1% de poids perdu lié à la déshydratation engendre une augmentation de température centrale d’environ 0,2°C et de la fréquence cardiaque de 4 bpm (Jardine & coll., 2023). Ce qui est pris n’est plus à prendre, bien s’hydrater avant et pendant l’échauffement est donc primordial :

Enfin, si la plupart des marques recommandent d’utiliser un gel énergétique quelques minutes avant le départ pour un effet « boost », ledit effet n’est pas prouvé scientifiquement. Quelques mesures de glycémie auprès de cyclistes de haut niveau nous ont plutôt montré un effet délétère sur la performance, provoquant un pic de glycémie aux conséquences néfastes en début d’épreuve. Nous recommandons donc uniquement l’utilisation d’une boisson d’effort à l’échauffement et pendant la phase de transition. Apparemment saugrenue, la recommandation de se rincer la bouche quelques minutes avant le départ (typiquement sur la rampe de lancement ou au moment de l’appel…) pendant 5 à 12 secondes puis avaler (ou pas) la boisson, amélioreraient les performances en activant certains récepteurs au niveau buccal qui transmettent alors un message synonyme de vecteur d’énergie au cerveau (Peart, 2017). Cette stratégie est surtout efficace dans des situations où les apports énergétiques sont faibles mais cela peut aussi faire office de routine mentale ou de temps de visualisation du futur effort.

Aspects mentaux de l’échauffement

Quelques études récentes se sont attardées sur les caractéristiques mentales de l’échauffement. On va logiquement rechercher à ce que l’athlète soit totalement concentré sur tâche à accomplir et se sente suffisamment fort pour y parvenir. Evidemment, les habiletés mentales du sportif ne vont pas se développer quelques minutes avant l’effort, mais il est admis que l’exercice préalable va permettre d’aider l’athlète à centrer son attention et se concentrer. On sait par exemple qu’on est capable de produire plus de force lorsqu’on s’est préparé mentalement au préalable, en utilisant l’imagerie mentale, le discours interne positif et/ou la concentration interne (Tod & coll., 2003). En tout état de cause, les athlètes qui utilisent des routines mentales avant un effort sont plus performants que ceux qui n’en utilisent pas et il est recommandé d’inculquer ces routines le plus tôt possible (Lider & Singer, 2000)

Une des conséquences de l’échauffement, de la mise en activité physique, c’est qu’elle permet une régulation de la fréquence respiratoire, cardiaque, permettant ainsi l’activation de l’attention, des émotions sur le moment présent. Pour autant, cela n’est pas automatique. La mise en place d’un échauffement mental peut être bénéfique. L’échauffement mental est une brève pratique d’activités mentales liées au sport et qui contribuent au développement d’aptitudes qui sont impliquées dans et/ou facilitent l’exécution des tâches sportives qui suivent l’échauffement (Brewer & coll, 2019).

Par exemple, il est possible d’intégrer des points d’attention associés aux efforts intenses (regarder un point précis fixe devant soi), modérés (prendre des informations autour de soi, sur le côté, balayer son regard, tourner la tête), ou de faible intensité (se centrer sur son relâchement) lors de l’échauffement. De manière dissociée, c’est-à-dire avant et/ou après l’échauffement physique, il est aussi possible d’intégrer des protocoles d’échauffement mental.

Voici 3 exemples de protocoles d’Échauffement Mental testés :

Jeon & coll., 2014Brewer & coll., 2019Wolch & coll., 2021
5 min de relaxation + 2 min de visualisation (séquences de match) et 1 min d’imagerieAudio de 8 min : activation, attention, fixation d’objectifs, imagerie, et pensées positives15 min de méditation de pleine conscience

Les objectifs sont d’échauffer les habiletés mentales comme les habiletés physiques et d’intégrer l’échauffement mental à la routine d’échauffement physique, pour être prêt dès le début de la compétition.

S’agissant donc des stratégies mentales qu’un athlète puisse utiliser au cours d’un échauffement ou pendant sa phase de transition, il semblerait plutôt qu’il soit efficace de doter l’athlète d’une boîte à outils bien remplie, qu’il puisse utiliser à bon escient, de manière à se concentrer sur la tâche à réaliser et le futur très proche, mais également à construire les piliers d’une forte détermination ( estime de soi et sentiment de compétence) sans être contrarié par le stress de la compétition (l’enjeu de résultat peut devenir une source négative de stress).

La motivation à performer sera évidemment guidée par un travail à long terme, mais elle peut trouver aussi quelques suppléments d’alimentation pendant l’échauffement, par petites touches, de sorte à éviter le caractère routinier (la routine pouvant être un piège de motivation).

Si l’on veut que l’athlète soit dans les bonnes dispositions mentales, il faut l’aider à construire lui-même son protocole et le faire évoluer. Cela renforcera son auto-détermination et lui permettra de le mémoriser. Cette co-construction avec l’entraîneur va aussi lui permettre de concevoir l’organisation (matérielle et chronologique) autour de cet échauffement. Occulter cette préparation préalable est probablement générateur d’anxiété et de détournement de l’attention vers un scénario catastrophe, même si nous ne sommes pas tous égaux à cet égard. Enfin, développer l’autonomie à l’échauffement va permettre à ce que chacun apprenne petit à petit à construire son propre circuit visant à l’activer progressivement mentalement et adapter les exercices et/ou les récupérations qui seront nécessaires à atteindre l’état idéal de performance. La présence du coach est probablement nécessaire, mais devrait pouvoir s’estomper au fur et à mesure que le protocole d’échauffement se réalise. Il ne semble pas utile d’apporter des consignes, mais la présence se vaut rassurante. Si l’athlète a des questions dans ces moments, la présence attentive du coach permet d’y répondre et de rassurer l’athlète pour qu’il reste concentré sur la tâche juste à venir et les éléments qu’il maîtrise (un geste technique, une trajectoire, une fréquence de pédalage…). L’échauffement doit donc être individualisé et adaptatif et appartient à chaque athlète. Ce n’est pas une recette identique à tous.

La place des étirements et de la mobilité autour de l’échauffement.

Faut-il s’étirer avant, pendant ou après l’échauffement ? Pendant très longtemps, nos professeurs d’éducation physique et nos éducateurs sportifs nous conseillaient la pratique d’étirements passifs pendant l’échauffement pour augmenter la température, améliorer la performance et réduire les blessures. Autour des années 2000, plusieurs auteurs se sont attachés à démontrer que ces arguments n’étaient pas vérifiés. La pratique d’étirements passifs est intéressante dans la stratégie d’entraînement, mais selon G. Cometti (2006), elle n’a pas sa place autour de la compétition. Pourtant, l’un des pionniers de la préparation physique dans les sports collectifs recommande toutefois d’inclure des mouvements de grande amplitude, mais de manière dynamique, au cours de l’échauffement. On parlera donc de mobilité dynamique. Différente de la souplesse passive et dynamique, elle implique souvent plusieurs groupes musculaires, d’autant plus qu’elle est souvent réalisée debout. Il peut donc paraitre intéressant de proposer des exercices qui vont rechercher deux objectifs :

  • Aller chercher une grande amplitude articulaire sur l’ensemble du corps ;
  • Mobiliser des muscles profonds tels que ceux qu’on peut solliciter lors des exercices de core-stability (voir France Cyclisme n° 30, décembre 2020).

Dans des disciplines très techniques (BMX freestyle, BMX race, trial, VTT descente…), on peut aussi rechercher un objectif d’activation et de mobilisation de muscles qui vont stabiliser une articulation nécessaire à la performance (autour de la cheville par exemple).

Ces exercices de mobilité sont parfois proposés le matin, distinctement de la période d’échauffement.

La question du « réveil musculaire » en pratique

Le réveil musculaire est largement utilisé dans le sport de haut niveau. Il consiste en la réalisation d’une séance courte, parfois intense (pas toujours), le matin d’une compétition.

Une équipe scientifique anglaise a comparé plusieurs protocoles de session matinale avec les joueurs du Biarritz Olympique en rugby à XV (Russel & coll.,2016). Ceux-ci ont réalisé 5 séries de 10 répétitions de presse ou 6 sprints de 40m en course à pied ou 6 sprints de 6 secondes à vélo. Les athlètes qui n’ont rien fait ont un taux de testostérone qui a chuté, ce qui est normal car ce taux évolue au cours de la journée. A l’inverse, les athlètes qui ont fait un exercice le matin ont une chute moins importante et cela est relié à l’amélioration des performances.

Aussi, cette étude a montré qu’il n’était pas nécessaire d’être spécifique à l’activité. Plus récemment, des auteurs australiens ont réalisé une revue de plusieurs études démontrant un gain de performance sur le plan neuromusculaire à un délai d’environ 6h, lorsque les exercices du matin étaient soit des exercices sollicitant un niveau élevé de force ou des exercices balistiques (Harrison & coll, 2019). Si la durée est plus courte, les niveaux de connaissance ne permettent pas de confirmer ce qu’il se passe :

Mais concernant les sports d’endurance, le gain de performance lié à un exercice réalisé le matin n’est pas établi. Cependant, on n’a pas montré non plus d’aspect délétère à cette pratique répandue. Dès lors qu’elle permet des gains neuromusculaires, nous pourrions donc la recommander à l’ensemble de nos activités, si celle-ci procure un bien être à l’athlète et que les exercices réalisés ne soient pas trop longs. Il conviendra d’être vigilant à l’hydratation autour de ce réveil musculaire. Enfin, dans certains cas, on peut noter que certains athlètes de haut niveau préfèrent réaliser des exercices de mobilité, voire d’étirements durant cette période, de manière à réduire la sollicitation de l’échauffement de l’après-midi. Cette habitude pourrait permettre d’ancrer des stratégies mentales d’activation/relâchement et créer ainsi des routines favorables de performance. A chacun de la construire au fil des années et probablement à l’approche de l’âge adulte. Chez les plus jeunes, il est probable que les effets recherchés soient négatifs en créant une fatigue accrue. Il faut une certaine maturité biologique et un niveau d’entraînement important pour observer un effet positif d’une séance le matin d’une compétition en guise de « réveil musculaire ». Nous appuyons cette dénomination française, dans l’idée qu’elle contribue à éveiller beaucoup de sens et réveiller aussi des muscles profonds qui seront nécessaires au maintien de bonnes postures et ainsi la réalisation de gestes « parfaits » durant la compétition. La session de réveil musculaire doit donc être courte (15 à 30 minutes), agrémentée d’exercices très variés qui vont à la fois permettre d’avoir de l’amplitude articulaire, des mobilisations de muscles profonds et de sollicitations intenses (soit en force, soit en vitesse). Elle n’est pas forcément spécifique à l’activité. Les athlètes ne doivent pas ressentir de fatigue de cette session et se sentir plutôt relâchés après sa réalisation. Compte tenu de tous ces éléments, nous allons donc proposer plusieurs esquisses de protocoles d’échauffement afin que chacun construise lui-même le sien-propre, puis l’adapte au fur et à mesure des expériences et de ses besoins. 

Performance de plus d’une minute, transition inférieur à 20 minutes

L’intensité de l’échauffement souhaitée va définir sa durée. Ici, nous proposons une augmentation progressive de l’intensité et de la cadence par paliers de 2 minutes, jusqu’à s’approcher d’une intensité aux alentours du seuil lactique à une cadence élevée (celle-ci peut être adaptée selon les cadences cibles de l’épreuve). Elle est suivie d’un ou deux sprints très courts.

Notamment si le départ ne parait pas prépondérant, il n’est pas utile de réaliser deux sprints. Un seul suffira pour répondre à l’éventualité d’un départ très rapide.

Enfin, si cela ne fait pas partie du réveil musculaire, ajouter au début de l’échauffement spécifique une partie dédiée à la mobilité dynamique durant 5 minutes peut être intéressant 

Enfin, lorsque l’exercice dure plus de 20 minutes en environnement chaud, ou qu’il dure plusieurs heures, il nécessaire de réduire la durée de l’échauffement pour éviter de trop augmenter la température centrale, facteur affectant la performance (Racinais & coll, 2017). Il est pour autant nécessaire de respecter les étapes de l’échauffement et les muscles ont besoin d’être à bonne température pour être dans un état optimal de fonctionnement. On va donc réduire principalement la première phase d’échauffement où l’intensité augmente progressivement.

Également, il est recommandé d’utiliser des techniques de pré-cooling qui sont efficaces, comme porter un gilet de froid tout au long de l’échauffement et de la phase d’attente, qui peut également être remplacé par une ou plusieurs serviettes successives, trempées dans une eau glacée (une glacière avec des glaçons et de l’eau conviendra, les serviettes seront immergées dans cette glacière quelques secondes puis légèrement essorées avant que l’athlète l’utilise sur le torse et la nuque, tout en continuant son échauffement). On prévoira également de s’exposer à une ventilation (surtout lorsqu’on utilise le home-trainer), de manière à favoriser la sudation, nécessaire à la thermorégulation. Enfin, il peut être possible de réaliser un rinçage de bouche en fin d’échauffement avec de la glace pilée, éventuellement agrémentée de menthol. Avant d’appliquer ces techniques de pré-cooling, il est absolument nécessaire que l’organisme soit parfaitement hydraté et dans le meilleur des cas, l’athlète a réalisé des sessions d’entraînement à la chaleur pour être acclimaté.

Ce protocole « chaleur » peut également convenir à des épreuves d’endurance très longues (plus d’une heure), en milieu tempéré, dès lors que le départ ne présente pas de risque d’être rapide.

Savoir adapter son protocole lorsque l’environnement l’impose.

Dans certains milieux, notamment en VTT ou en cyclo-cross, le terrain évolue en permanence selon la météo et les passages répétés. Si le besoin de bien calibrer l’échauffement comme vu précédemment et les contraintes logistiques amènent la grande majorité des coureurs à s’échauffer sur home-trainer ou rouleaux, pour les disciplines en terrain varié, il est important également d’aller faire des tours de roues sur tout ou partie du circuit. Cela permet au pilote de remémorer ses trajectoires, de se recentrer sur son activité, de ressentir et affiner ses derniers réglages aux conditions du moment (ajustement de la pression des pneumatiques). Cette nécessité de rouler sur le circuit devient d’autant plus importante s’il y a eu des changements météorologiques durant les dernières heures. L’évolution du terrain peut nécessiter la visualisation/validation de nouvelles trajectoires et de changement de pneumatiques et de pression. Se rendre sur le circuit permet au coureur de connaitre les adaptations à mettre en œuvre et donc arriver plus sereinement sur les obstacles sur le premier tour. La première partie des échauffements proposés peut donc être adaptée sur le terrain. Avoir une confiance infaillible au départ est certainement plus importante que suivre un protocole immuable ! Cette stratégie pourrait être une routine de performance…

Performances dans disciplines explosives (<1min)

Nous avons repris le même schéma que pour les disciplines plus endurantes car il apparait opportun d’améliorer la cinétique de VO2. Nous avons cependant réduit ce temps de travail aérobie pour aller se focaliser davantage sur les sprints préalables. Nous avons ajouté une séquence de sauts en contre-bas durant la phase de transition, idéalement placée entre 7 à 10 minutes avant le départ (pour des athlètes ayant déjà 3 ans d’expérience en préparation physique).

La gestion de la phase de transition est très importante dans ce cadre, nous la détaillons un peu plus avec une chronologie à bien penser pour les différentes étapes nécessaires à être au départ dans le bon timing et dans l’état idéal de performance. 

Dans ces disciplines explosives, il est courant que les épreuves se déroulent en tournoi. La gestion de son énergie tout au long du tournoi est donc importante. On peut ainsi être amenée à préserver son énergie, notamment en réduisant les sprints car la fatigue neuromusculaire pourrait être la plus préjudiciable (dès lors que les stocks énergétiques ne sont pas diminués).

Entre les séries, il convient donc d’avoir deux étapes. La première vise à réaliser une récupération active de suite à l’arrêt de la série (dans l’idéal, 20 minutes à une intensité modérée), puis reprendre un échauffement réduit avec les principes potentiateurs de l’échauffement. Ce ré-échauffement est à adapter selon le niveau de l’athlète, son état d’entraînement et ses aspirations. Il peut être graduel au fur et à mesure qu’on avance dans les phases finales avec, dans tous les cas, une attention accrue sur l’hydratation et les apports énergétiques tout au long du tournoi.

Maintenant, à vous de construire votre propre protocole, entre athlète et entraîneur, le tester lors d’un entraînement, l’adapter, l’individualiser puis ajouter vos propres routines mentales (que vous pouvez écrire sur ce protocole). Pensez à noter sur votre carnet d’entraînement l’échauffement que vous avez réalisé (prenez-le en photo), agrémenter vos sensations et continuer à le faire évoluer tout au long de votre carrière, en évitant aussi de le surcharger.

  • Bailey, S. J., Vanhatalo, A., Wilkerson, D. P., Dimenna, F. J., & Jones, A. M. (2009). Optimizing the « priming » effect: influence of prior exercise intensity and recovery duration on O2 uptake kinetics and severe-intensity exercise tolerance. Journal of applied physiology (Bethesda, Md. : 1985), 107(6), 1743–1756.
  • Behm, D. G., Alizadeh, S., Daneshjoo, A., & Konrad, A. (2023). Potential Effects of Dynamic Stretching on Injury Incidence of Athletes: A Narrative Review of Risk Factors. Sports medicine (Auckland, N.Z.), 53(7), 1359–1373.
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