France Cyclocross : succès sportif et populaire
Les 13 et 14 janvier 2024, se sont tenus à Camors (Morbihan), devant un public nombreux, les championnats de France de cyclo-cross. Souvent mais pas toujours les favoris se sont imposés, et toujours les courses furent palpitantes.
Un couloir de filet orange qui en bordure de bois ondule sur un champ en pente et sous un ciel de glace : tel se présentait le circuit du Prat Er Hoët à Camors, ce samedi matin. Ça caillait ferme et ça caillerait toute la journée. Entre autres effets, le froid aurait affermi le sol et rendu le circuit plus roulant qu’à l’habitude. Peaux rouges, voire violacées aux genoux, haleines empanachées et souffles courts, spectateurs emmitouflés et réchauffés aux galettes saucisses. Les pneus soulevant du sol, dans un bruit de succion et de jantes talonnant, de petits éclaboussements de glaise. Ambiance cent pour cent pur cross, en somme !
Quoiqu’évoluant en petit nombre, les concurrents du relais des comités laissaient déjà deviner que les courses du week-end seraient rapides et sans temps morts. À cette occasion, c’est le comité AURA de Célia Géry, David Menut, Paul Seixas et Amandine Vidon qui décrocha le titre.
Chairs de poule
Au fil des heures le public investissait les lieux, et après le déjeuner se tinrent les courses U17. Honneur aux garçons, les premiers à s’élancer. La course fut belle mais ne réserva pas de surprise en la personne du vainqueur, puisque Soren Bruyère Joumard était le favori le plus logique. Il eut beau tomber « sans raison » dans un virage, faire valoir « une envie de vomir au début de la course », le vainqueur de trois manches de coupe de France cette saison était bel et bien le plus fort, qui déposa le second titre de la journée dans la besace du comité AURA. Et ce, même si la résistance opposée par le Breton Soen Le Pann, galvanisé par son public, l’obligea à ne rien lâcher.
En dépit de la satisfaction, l’épreuve la plus dure de la journée, pour les trois premiers, ce fut peut-être la cérémonie protocolaire. Sur le podium ils tremblèrent de tous leurs membres, et pas seulement parce que la Marseillaise donne la chair de poule aux athlètes.
Vint la course des filles U17, traditionnellement appelées « cadettes. » Tenante du titre, Lise Révol vous dirait qu’elle n’aime pas se mettre la pression, et s’applique à « faire du mieux possible. » Quand on a des jambes comme les siennes, remarquez, c’est une bonne philosophie. Lise (et ses deux suivantes sont du même avis) apprécie ne n’être pas, comme en coupe de France, mélangée aux juniors. Jeanne Duterne (GEST) était visiblement déçue, mais se raisonnait, n’ignorant pas non plus avoir gagné une place du fait la malchance qui avait frappé Zélie Lambert, victime d’un incident mécanique l’obligeant à courir sur près d’un demi-tour, alors qu’elle occupait une solide seconde place.
Explication tripartite
Puis, sous le ciel bas, nous fut donnée une autre course lumineuse. La compétition U23 Hommes fut dominée par un trio formé de Nathan Bommenel, Rémi Lelandais et Léo Bisiaux (dans l’ordre où ils passeraient finalement la ligne.) Mais dans le cadre restreint de cette explication tripartite, la guerre fut totale et le spectacle éblouissant. Après la lutte à couteaux tirés, en conférence de presse, visiblement complices, les trois membres de l’équipe de France s’en amusaient : « On s’est fait des petits coups de p…, quoi ! » déclarait le vainqueur tout sourire. « Surtout Rémi, parce qu’il veut avoir pour lui seul le camper de l’équipe de France », plaisantait Bisiaux à son tour.
En tout état de cause, le dernier nommé, espoir première année, avait passé sa course à attaquer dans les parties pentues, et fut bien près de faire craquer ses deux rivaux. « Il nous mettait ses chiches (sic), raconte le nouveau champion de France, il n’était pas facile à suivre. » Mais Bommenel fit mieux que s’accrocher : dans le dernier tour, non content de n’avoir pas cédé, il prit un léger avantage sur le passage des planches, exercice dans lequel il se sait le plus à l’aise. Et la messe était dite.
Forts juniors
Dimanche matin, dans une atmosphère un peu moins glaciale que la veille, se disputaient les deux courses juniors. Champion d’Europe, vainqueur des six manches de Coupe de France et de deux manches de Coupe du monde, Aubin Sparfel était le grandissime favori chez les hommes. Mais après un bon départ, il tenta un manœuvre un peu limite. Faisant l’intérieur et s’accrochant avec Paul Seixas, il déraillait. « Aubin a juste pris la mauvaise décision au mauvais moment, dira le vainqueur, je ne pouvais rien faire pour éviter l’accrochage. »
Le coureur du comité AURA prenait donc très tôt les choses en main, et ne quitterait plus la première place. « Le circuit, rapide, convenait à mes qualités de force, avec ses parties roulantes et son raidard bitumé », expliquait-il. À quoi il fallut ajouter une maîtrise technique supérieure à ce qu’on attendait de lui. Ses deux suivants, le Francilien Jules Simon et le Breton Maxime Vezie, n’en disconviendront pas. Dominateurs à Pontchâteau aux championnats d’Europe, les juniors français sont très attendus à Tabor.
Il en va de même de Célia Géry, dont on ne sait pas très bien quoi dire, tant elle domine sa discipline. Personne n’a pu lui tenir la dragée haute, pas même Anaïs Moulin, autrice d’un excellent début de course. La championne d’Europe a rapidement pris la tête, puis créé et creusé un écart conséquent sur Amandine Muller et Anaïs Moulin. Elle rêve désormais, et nous avec, d’un maillot arc-en-ciel.
Bagad café et filles d’élite
Après la pause galette-saucisse, passée au son du bagad (orchestre traditionnel) dans une tente joyeusement surpeuplée, les Elites entrait en scène. Honneur aux filles.
Amandine Fouquenet, sur Hélène Clauzel prend un petit avantage sur une Amandine Fouquenet soutenue par son public, qui résistera longtemps, limitant l’écart aux 15 secondes initiales avant de s’incliner. Le circuit, non sans raison réputé très roulant, ne se présentait pas comme un avantage évident pour la coureuse d’AS Bike Racing. Pour la troisième marche du podium, la lutte fut acharnée entre Anaïs Morichon et une super Electa Galezot (4e) qui non seulement a empoché le titre Espoirs, mais est passée bien près de monter sur la boîte au scratch.
Duo et duel
Enfin la course élite hommes devait clore ce très beau week-end sportif. Bien sûr Clément Venturini était l’homme à battre. Champion en titre, cinq fois titré, et d’autant plus redoutable que désormais Breton d’adoption depuis que passé sous les couleurs d’Arkea Samsic et, conséquemment, poussé par le public. On comptait tout de même autour de 10 000 spectateurs sur le circuit : ça compte.
De fait, c’est à un nouveau duel avec Joshua Dubau que l’on assistait. Les deux athlètes semblaient se tenir en termes de cylindrée, même si le challenger semblait un poil plus fin sur les parties techniques (le dévers, la boue, un peu plus présente pour cause de radoucissement). Le match fut serré, mais le tenant du titre finit par avoir le dernier mot en dépit de quelques erreurs (sur la planches notamment) Légèrement distancé par un déraillement à moins de deux tours de l’arrivée, il parvint à revenir sur Dubau et à le battre au sprint.
Concluons sur la réflexion du sélectionneur national François Trarieux, cité en conférence de presse par Venturini lui-même : « le championnat de France est important, mais pour la France, pas tant que le championnat du monde. »
Rendez-vous en Tchéquie dans trois semaines, donc.