Course sur route : deux médailles de plus pour l’équipe de France !
Au terme d’une course éblouissante achevée à l’ombre grandiose de la Tour Eiffel, Valentin Madouas et Christophe Laporte ont décroché l’argent et le bronze, portant à 8 le total des médailles pour un cyclisme français, qui continue de faire étalage de sa vigueur.
À ce stade, il ne suffit plus de dire que le cyclisme français fait démonstration de sa bonne santé, il faut parler de festival. Au lendemain du triplé historique Daudet-André-Mahieu, les routiers tricolores ont décroché les deux médailles d’argent et de bronze sur la course en ligne. Dans le sillage d’un Remco Evenepoel indiscutablement dominateur, Valentin Madouas et Christophe Laporte ont fait la course parfaite.
Parlons d’abord de la course olympique, qui donna à voir ce 3 août 2024 l’essence-même de la course cycliste. On le dit suffisamment les courses sans oreillettes rendent toute son importance au sens tactique des coureurs, c’est-à-dire à cette dimension intuitive qui supplée les décisions rationnelles, habituellement prises par des directeurs sportifs informés. Dans le tourbillon de la course, l’athlète sait un certain nombre de choses et sent les autres.
La course olympique, comme l’avait souligné Thomas Voeckler trois jours plus tôt en conférence de presse, ne peut pas non plus, au seul motif de l’absence d’oreillettes, être comparée à un championnat du monde. Le peloton est beaucoup plus restreint – 90 coureurs seulement étaient au départ – et composé d’équipe elles-mêmes très réduites : on comptait 5 équipes de 4 coureurs, 5 équipes de 3 coureurs, une dizaine de duos, et une grosse trentaine de coureurs isolés. Ainsi les équipes doivent-elles économiser leurs forces, et nul ne peut prendre la course à son seul compte, et cela restaure pour le plus grand bonheur du spectateur la versatilité des possibilités tactiques.
Enfin, cette course en particulier, celle de Paris 2024, a articulé (serait-ce provisoirement) le cyclisme moderne à ses racines et, dans la lignée de la cérémonie d’ouverture, le patrimonial au populaire. Le décor « institutionnalisé » et grandiose de l’arrivée, et la foule énorme et joyeuse qui avait envahi la butte Montmartre. À l’arrivée, le rôle déterminant du public était d’ailleurs dans toutes les bouches, à commencer par celles de nos deux héros français.
« Dans la montée de la bosse [la rue Lepic] c’était fou, dit Laporte, on était presque content de basculer dans la descente pour retrouver un peu de calme ! » Et Valentin Madouas de raconter : « Dans la dernière ascension le public m’a galvanisé. Je n’ai jamais connu ça, même au Tour de France, il y avait un niveau sonore incroyable, et j’ai eu mal aux oreilles encore 20 minutes après l’arrivée ! » Quant à la tactique appliquée par l’équipe de France, elle était simple sur le papier (une autre chose est toujours de la mettre en œuvre, bien sûr.) « Nous n’avions pas de grand favori, explique Thomas Voeckler, et il ne nous revenait pas de rouler. L’écart avec l’échappée a atteint 15 minutes, mais serait-il monté jusqu’à trois quarts d’heure, pas question pour nous de cramer un bonhomme. L’idée, c’était d’accompagner les mouvements, et de prendre un temps d’avance sur les grands leaders. »
Ce que confirme le récit de Valentin Madouas : « Quand Remco a commencé à placer des attaques dans les bosses [du côté de Bièvres, à moins de 80km de l’arrivée, ndr.], je savais que ça pouvait partir sur un moment de transition. Du coup j’y suis allé sur une portion de plat, avec un peu d’élan, et je me suis retrouvé avec de bons rouleurs. On a tourné.
L’idée c’était de prendre un peu d’avance en attendant le retour des grands champions, et puis de s’accrocher quand ils arriveraient. Quand j’ai vu que c’était Remco je me suis dit ‘’c’est bon il va user tout le monde.’’ Je me suis mis dans la roue, je n’avais plus qu’à m’accrocher le plus possible. Je savais que ça allait être difficile, il montait toutes les bosses à bloc pour me faire péter. J’ai donc fini par lâcher, et après, c’était de la gestion, ça se passait dans la tête car les jambes ne répondaient plus. »
Le Breton, dont le sélectionneur national souligne que « plus c’est long, pus c’est dur, plus il est solide » est allé au bout de l’épuisement (« Je voulais donner ce que j’avais à donner ») pour arracher cette magnifique médaille d’argent. Le groupe des poursuivants était réglé au sprint par un Christophe Laporte qui apprenait sa troisième place une fois la ligne franchie : « J’ai vu le visage heureux de Valentin, j’ai compris qu’il avait fait une médaille. Et c’est lui et Remco qui m’ont appris que je faisais trois ! »
Laissons-lui aussi, à Laporte, le mot de conclusion, tant il importe : « Pour être honnête, j’avais tendance à dire que je préférerais être champion du monde que champion olympique, mais il faut prendre conscience de cette ampleur : une médaille olympique, c’est le graal ! »
Autrement dit : même dans un monde archi-professionnalisé, le capital symbolique reste le plus important !