Coupe du monde de Cyclo-cross : des débuts fracassants pour Desprez et Bruyère-Joumard
On savait qu’ils étaient forts, mais on n’en attendait pas tant pour leur entrée en Coupe du Monde. À Dublin, les juniors de l’Équipe de France Lison Desprez et Sören Bruyère-Joumard ont brillé, respectivement deuxième et premier.
Ils étaient en forme l’un et l’autre, toujours aux avant-postes, voire dominant les courses nationales dans leur catégorie, les Juniors. Mais nul – sauf l’entraineur national François Trarieux – ne les aurait imaginés à pareille fête pour leurs grands débuts en Coupe du Monde de cyclo-cross. Eh bien, à Dublin, Lison Desprez a pris rien moins que la deuxième place, et Sören Bruyère-Joumard a carrément gagné.
Depuis le début de l’automne, la longue silhouette de la Bretonne, prolongée d’une non moins longue natte que la vitesse fige à l’horizontale, survolait les labours. Elle avait remporté pas moins de trois de Coupe de France, éloignant définitivement le spectre de cette fracture de fatigue qui avait pourri sa saison passée.
Même chose quant à Sören Bruyère-Joumard. L’homme aux yeux aussi bleus que ses chaussures montait en pression d’une course à l’autre : trois fois deuxième, il avait fini par l’emporter le dimanche à Troyes.
Au moment d’entrer dans la Coupe du Monde, on les voyait donc comme deux sujets doués et en forme, à l’instar de leurs coéquipiers de l’équipe de France. Mais personne n’aurait parié sur de tels résultats. En tout cas pas eux ! « J’étais super surprise (sic), dit Lison. Je suis partie en première ligne et j’ai fait un très bon départ – je fais souvent de bons départs – et je me suis retrouvée en deuxième position. Puis François [Trarieux] m’a demandé d’imposer mon rythme, et je me suis retrouvée en tête pendant deux tours, avant que l’Américaine [Lidia Cusack] ne me rattrape. Ensuite, elle passait les planches à vélo, ce dont je ne suis pas encore capable, donc elle me prenait 2 ou 3 secondes à chaque fois. »
La jeune femme, qui a débuté par le basket avant de s’essayer au VTT et d’y prendre immédiatement goût (elle revendique quelques selfies en compagnie de Pauline Ferrand-Prévôt, dont elle possède aussi deux autographes) apprécie les portions glissantes, et préfère la boue au sable, ne redoutant que les portions roulantes où elle manque un peu de puissance.
Par ailleurs sa performance de Dublin lui aura ouvert les yeux sur ses possibilités. Car elle l’avoue : sans l’injonction de François Trarieux à la fin du premier tour, elle n’aurait pas osé prendre les choses en main.
Sören Bruyère-Joumard est un peu sur le même son de cloche, à qui François Trarieux martèle depuis le début de la saison qu’il « ne doit pas faire de complexe, et oublier son statut de junior 1. » D’autant moins désormais, que cette victoire en coupe du monde dès sa première année le place dans un club très fermé où l’on retrouve Arnaud Jouffroy ou un certain Mathieu Van der Poel. Bruyère-Joumard est un athlète complet, formé à l’école du triathlon, aussi à l’aise en VTT et sur la route (il est vice-champion de France U17 du chrono) que dans les ornières.
Mais, comme Lison Desprez, il savait aussi manquer d’expérience au niveau international, où la densité implique de devoir jouer des coudes, ce qui est moins le cas dans les frontières de l’Hexagone où il fait partie des quelques-ceux qui, dominant les débats, évoluent souvent seuls. Et il a pris le leadership là où du côté français, on attendait plutôt Théophile Vassal, malheureusement victime d’une crevaison. C’est ainsi que celui qui « espérai[t] un résultat, mais n’étai[t] pas venu pour la victoire » s’est retrouvé devant, en compagnie du Belge Giel Lejeune, qu’il distancerait bientôt à la faveur du « bac à sable » et tiendrait à distance tout le dernier tour. « Il a bloqué son dérailleur en sautant les planches, du coup il a changé de vélo et à la sortie du stand j’étais passé devant. Au seuil du bac à sable, François m’a crié d’attaquer, ce que j’ai fait. J’ai pris 2 ou 3 secondes. Un peu plus loin, il y avait une portion technique où l’on avait remarqué, avec Théophile, qu’on était un peu meilleur que lui : là, je lui ai repris 2 ou 3 secondes de plus. Après, j’ai fait le dernier tour à fond, et voilà. » Ben oui, et voilà ! c’est facile de gagner une Coupe du Monde, pas vrai ? (smiley clin d’oeil)
L’une rêve d’une carrière en VTT, mais sans se mettre de pression outre mesure. L’autre se voit bien fréquenter les pelotons sur route. L’hiver tous deux pratiquent le cyclo-cross, où ils ne peuvent plus ignorer leurs propres possibilités. Pour autant, ils refusent l’un comme l’autre de s’emballer trop vite. En coupe du monde, Lison continuera de « viser des top 5 et tant mieux si c’est un podium », et Sören, non plus, ne « veu[t] pas changer d’optique », il continuera de privilégier « la découverte et le plaisir. »
En attendant Liévin.