Championne : Olivia Onesti, la fée maraboutée

La nouvelle championne de France espoir et élite de VTT XCO revient de loin. Deux mois avant sa course victorieuse de Puy Saint Vincent, une malchance étonnante s’est acharnée sur elle. Un récit qui montre à nouveau que le corps et l’esprit sont une seule et même chose.
Même s’il arrive qu’il se dépasse, c’est-à-dire qu’il produise une performance surpassant ses propres attentes, un athlète ne se surprend jamais lui-même autant qu’il surprend son public.
Et pour cause : lui s’efforce, se concentre, s’applique, il sait vers quel but il est tendu, même s’il n’est pas tout à fait sûr de l’atteindre.

La victoire, une possibilité parmi d’autres
C’est ce qui est arrivé à Puy Saint-Vincent, dans le cadre de la course élites femmes des championnats de France de VTT XCO. Olivia Onesti a ‘’créé la surprise’’, comme on dit, s’imposant nettement à sa dauphine du jour, Loana Lecomte en personne. Mais quant à savoir si la nouvelle championne s’est étonnée elle-même, la réponse n’est pas si simple. Oui, elle s’est étonnée : au sens où elle n’aurait sans doute pas affirmé avant la course qu’elle allait l’emporter. Mais, non, surprise elle ne l’est pas plus que ça : elle se savait revenue en forme et, pour évacuer le stress, elle s’était appliquée, dit-elle, à « envisager tous les scénarios possibles. »
La victoire était donc un possible parmi d’autres. Mais quel en était, dans son esprit, le degré de probabilité, ça, elle ne saurait pas le dire. Ce qu’elle sait, en revanche, et qui nous met sur la voie, c’est qu’elle revient de loin. Que les derniers mois, et c’est un euphémisme, n’ont pas été faciles !
Deux commotions cérébrales !

En mai, elle fait une chute à l’entrainement. Rien de dramatique a priori, mais, tout de même : elle tape la tête. S’ensuivent divers symptômes, dont un état fébrile qu’elle interprète comme la cause générale de son état. Car elle se sent mal, elle a des vertiges, elle supporte difficilement le bruit et la lumière, se sent fatiguée au point de ne pas trouver sa concentration ni ses mots.
Elle ne sait pas encore qu’elle est victime d’une commotion cérébrale.
Une visite chez l’ostéopathe semble même soulager un peu son malaise. Tant et si bien qu’elle s’aligne au départ d’une compétition quelques jours plus tard. Mais là, rien ne va. « J’avais le cerveau au ralenti, dit-elle, je n’avais aucun réflexe, et en conséquence je suis à nouveau tombée. Une chute très bête, mais je n’ai pas eu le temps de mettre les mains pour me protéger. »
Seconde commotion cérébrale, une semaine après la première !
Qui, accompagnée d’une brève perte de connaissance et de mémoire, ne passe pas inaperçue, cette fois. On la conduit aux urgences ou les médecins la prennent en charge et ne la « lâcheront pas », selon ses propres mots. Ses difficultés avec le son, la lumière et la parole persistent, tout comme un étrange sentiment de dissociation : « J’avais l’impression d’être en pilote automatique, comme à côté de moi-même », raconte la nouvelle championne de France « heureusement, j’ai été parfaitement suivie, tout a été mis en place pour me permettre de récupérer pleinement. » Elle suit un »protocole commotion », tel qu’établi par la médecine fédérale.
Mauvais œil, maraboutage ?
Mais l’histoire de ne s’arrête pas là. Le jour même où elle reprend l’entrainement, une voiture la percute par l’arrière ! « Non, mais ! s’entend-on réagir. À ce niveau-là c’est plus de la malchance, c’est un sort, c’est du maraboutage ! » La Fée Maraboutée se contente de sourire à l’autre bout du fil, avouant avoir eu « peur de remonter sur le vélo, en effet », persuadée d’avoir la guigne. Le mauvais œil. « Je me demandais : mais qu’est-ce qui m’arrive ? Quelle sera la prochaine tuile ? » Mais elle poursuit : « Cela étant, cette fois-ci, ma tête n’a rien heurté. Mais je me suis écrasée sur mon guidon, et j’en ai conçu de fortes douleurs au dos et aux côtes, qui n’ont toujours pas complètement disparu. »
C’est donc peu de dire que la nouvelle championne de France s’est forgée dans l’adversité. Mais on sait aussi que le sort n’a pas toujours été contraire pour Olivia Onesti, ne serait-ce qu’eu égard au talent qui s’est penché sur son berceau, et qui a trouvé un milieu familial pour s’épanouir. Née de deux parents professeurs d’EPS, et encadrée de trois frères (dont un aîné), elle pratique divers sports – judo, tennis… – avant de débuter à VTT, « vers l’âge de 8 ans. »

Success story et perspective
La suite est le refrain plus ou moins connu du parcours des plus doués, émaillé de succès divers. Elle pratique le VTT, le cyclo-cross, et la route – où elle décroche un premier titre de championne de France en 2019 (photo), catégorie cadettes.

Chez les juniors, elle est aussi redoutée l’hiver sur les circuits de cyclo-cross que l’été en XCO, où elle est désormais quadruple championne nationale : junior (2020), espoir (2024, 2025), et élite (2025), donc.
Elle s’est aussi donné les moyens sur la route, où elle a poussé l’aventure jusqu’au professionnalisme, « pour essayer de faire le Tour », qu’elle n’a finalement pas fait, pour l’heure, se contentant d’un Giro, d’une Vuelta et de « pas mal de classiques. Une sacrée expérience tout de même, dit-elle. Et j’ai aimé l’aspect stratégie collective qu’on ne trouve que sur la route. J’ai aimé tenir mon rôle d’équipière. »
Quatre ans ?…
Il est vrai qu’elle est – comment ne le serait-elle pas ? – admirative de ces championnes « transdisciplinaires » que sont Pauline Ferrand-Prévôt ou Puck Pieterse. Mais elle n’a pas la mentalité d’une groupie : chez elle l’admiration est une aspiration vers le haut plus qu’une mise à distance du modèle admiré.
Entre temps, elle a aussi trouvé moyen de passer le concours de professeur des écoles, et de faire ses premières armes devant une classe. Elle a cependant obtenu un détachement, pour se consacrer pleinement au cyclisme où, qui plus est, elle a choisi de moins se disperser, et de donner priorité au VTT.
« En tout cas pour les quatre années qui viennent », précise-t-elle.
Quatre ans ? Tiens, tiens…