Championnat de France Femmes Amateures : la performance et la sagesse

C’était une première : les femmes amateures, jusqu’alors mélangées aux pros, disputaient entre elles leur propre championnat de France. Elles ont non seulement livré une course tendue et magnifique, mais aussi de beaux récits de leurs parcours.
Avec des championnes de cette qualité, on ne s’ennuie jamais. D’abord elles font une course magnifique, palpitante, incertaine, sur un circuit pas forcément propice aux coups de théâtre.
Puis, elles vous tiennent des conférences de presse de haute langue, racontant leurs courses et leurs vies avec émotion et talent.

Dans cette tempête de questions et de réponses, chacun en retiendra certaines plutôt que d’autres.
La double performance de Noémie Abgrall, championne de France sur la course en ligne moins de 24 heures après être montée sur la troisième marche du chrono, cela pose l’insondable et inépuisable question de « ce que peut un corps. » Notons au passage que Solène Muller, titrée la veille sur le chrono, était aussi de la bonne échappée aujourd’hui. Ces demoiselles nous rappellent que ce qui indispose les corps ordinaires bien souvent dispose les extraordinaires.
Aux ordinaires un effort total de 40 minutes (la durée approximative du chrono d’hier) promet quelques jours de courbatures et de fatigue. En l’occurrence, il semble plutôt avoir préparé Noémie Abgrall à la course en ligne, courue 20 heures seulement après qu’elle eût retiré son casque profilé. Quant à Solène Muller, qui confessait « avoir mal aux jambes », elle n’en donnait pas la preuve la plus flagrante en se classant quatrième !
Au crible de cette logique de la destruction créatrice (le corps s’altère dans l’instant de l’effort, pour se doter à terme de capacités supérieures), dessinée par la succession effort/récupération, nous ne sommes pas égaux !

La dernière ascension du Mont des Alouettes ne s’est pas contentée de départager les six filles de l’échappée au terme d’un suspense très tendu, puisque Justine Jégu, avant de se classer troisième sur la ligne, était, contre toute attente, revenue de l’arrière. Le dernier effort fut donc magistral.
Noémie Abgrall heureuse de disputer un « sprint à dix, parce que, à quarante, c’est pas la même chose » a donc pris le meilleur sur une Émilie Morier dont les qualités théoriques d’explosivité sont pourtant supérieures, mais « un peu enfouies » selon ses propres mots, faute de travail spécifique.
La triathlète, en effet relativement novice en tant que coureuse cycliste, vient cependant de signer un contrat pro chez Saint-Michel Auber. Elle se dit un peu lasse de la course à pied ou de la natation, et non seulement heureuse de s’adonner à un sport « plus fun » (sic) mais aussi un « sport d’équipe : j’ai hâte d’intégrer le groupe », ajoutant qu’elle serait soucieuse d’apprendre et, au moins au début, « un bon petit soldat. »
Mais la conférence de presse d’après-course fut marquée – et magnifiée – par l’émotion de Justine Gégu. La coureuse du Team Elles-Vertou-Rayo’Nantes est passée par les affres de la déception à l’automne dernier, après avoir attendu en vain un contrat pro qu’elle méritait à coup sûr. Puis par l’expérience du travail acharné. « Je suis fatiguée, en fait, confiait-elle d’une voix mal assurée, peinant à contenir son émotion. Pendant trois mois, j’ai concilié travail à plein temps [elle est salariée du club Vendée-La-Roche, où elle s’occupe du SRAV, et du collectif U15-U17, ndlr] et vingt heures d’entrainement hebdomadaire, c’était dur, très dur. À l’approche de ce championnat j’étais stressée, toute la semaine j’ai mal dormi, pendant la course j’étais tendue. Je n’étais pas dans l’échappée, et je me suis dit que ça allait finir de façon triste, alors je me suis forcée à continuer d’y croire. » Elle a bien fait !

Avant d’ajouter qu’elle savait par ouï-dire que « les trois d’un podium au championnat de France se retrouvaient chez les pros la saison suivante. » On le lui souhaite, évidemment.