Jeux Olympiques

Benjamin Thomas en Or : l’Alchimiste 

jo paris 24 cyclisme piste

Benjamin Thomas est devenu champion olympique, en donnant une magistrale leçon de cyclisme, en réalisant un chef d’œuvre. Celui qu’on surnomme La Calculette allie désormais l’intelligence hors-pair qu’on lui connaît à un calme olympien. L’alchimie d’une soirée magique.

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Sur piste, il n’y a qu’un chemin possible et, à défaut d’être rectiligne, il est direct. Alors autant ne pas tergiverser, et n’avoir pas peur des mots : Benjamin Thomas est un génie de sa discipline, et ce qu’il a délivré hier en devenant champion olympique n’est pas une course mais un chef d’œuvre.  

Chacun sait qu’il faut être intelligent pour être un bon coureur cycliste, mais cette intelligence du sportif parce qu’elle procède des tréfonds du corps, se présente souvent comme une sorte d’intuition informulée – comme un sixième sens, si l’on veut. 

Or concernant Benjamin Thomas et l’omnium, on parle d’une lucidité explicite, d’un travail conscient de l’intellect. Hier soir, un de ses supporters ne brandissait-il pas une pancarte à la gloire de « Benjamin Thomas, la calculette » ? Après sa victoire, l’intéressé répondant aux journalistes, affirmait « je regarde le panneau d’affichage [pendant la course] mais j’ai le classement imprimé dans la tête. »  

Le coureur de Cofidis (il faut rendre hommage à l’équipe qui lui laisse, fait rare parmi les équipes pros françaises, mener à bien ce double projet route et piste. Benjamin n’a pratiquement pas couru sur route depuis le Tour d’Italie, et a pu se préparer au mieux avec l’Équipe de France) voit donc tout pendant la course. On ne dira jamais assez l’importance d’une bonne souplesse cervicale sur la piste qui permet garder à l’œil ses adversaires. Il anticipe, plus par calcul que par intuition (laquelle ne lui manque pas non plus.) 

Ainsi sa stratégie était-elle claire dès hier matin, établie en concertation avec Steven Henry.

Elle consistait, selon les mots du coach à « être chasseur plutôt que chassé. » Et le nouveau champion olympique de déchiffrer la mystérieuse formule : « Je savais qu’à la pédale il y avait des coureurs super-forts comme Ethan Hayter ou Aaron Gate. C’est dur de défendre et de rester sur la boîte quand tu es attaqué par des mecs comme ça. J’ai préféré laisser un peu filer dans la Tempo Race, où de toutes façons tu ne gagnes pas beaucoup de points. Ça a permis d’éloigner du podium ceux qui me surveillaient, et de laisser Iuri [Leitao, le Portugais] et Fabio [Van den Bossche, le Belge], prendre la tête, et de me retrouver en position de chasseur, pour profiter des attaques et marquer des points. » Une vraie leçon de cyclisme : à quand une chaire à la Sorbonne pour Benjamin Thomas ? 

De fait, après un scratch victorieux, et une tempo race volontairement discrète, nous assistâmes à une élimination assez houleuse. « C’était une course agressive, ça frottait sale, comme on dit » lâcherait Steven Henry. De fait Elia Viviani y serait déclassé, cédant donc la deuxième place au Français, qui lui-même avait cru être éliminé plus tôt et prendre la 7ème. Le speaker et le tableau d’affichage avaient parlé trop vite, avant que les commissaires signalent la faute du colombien Gaviria passé par la côte d’azur. 

Puis, il ne resta plus que la course aux points, très pourvoyeuse, que Benjamin Thomas aborda en 2ème position, à 10 points de Leitao. La maîtrise du champion français fut totale, jusque dans la maladresse qui le jeta au sol à 24 tours de l’arrivée. Mais là, devant un public électrisé (électrifié ? électrocuté ?), le champion prit le temps de se relever, et de jauger tranquillement la situation. Le règlement donne 5 tours de piste à un coureur tombé pour se remettre dans la course. Thomas-la-Calculette vit qu’il y avait un sprint dans deux tours qui coûterait de l’énergie à ses adversaires, et comprit qu’il avait donc ces deux tours pour « laisser redescendre les pulses. » L’incarnation du « calme olympien»! 

À ce stade de l’Omnium, les trois coureurs du podium étaient désignés. Restait à Thomas l’Alchimiste à convertir l’argent et or, en s’imposant sur le dernier sprint, puis à contenir l’ultime attaque de Leitao, pour pouvoir, quatre tours avant l’arrivée proprement dite, haranguer un public à genoux. 

Il faut dire pour terminer que de Tokyo où il était selon ses propres dire « arrivé au vélodrome la boule au ventre » à hier matin, où il était « super détendu » – on le vit faire des mots croisés à l’ombre d’un parasol en guise de concentration – il a gagné en sérénité.  
 

Là est sans doute le secret ultime de sa victoire, car La Calculette est douée d’âme, laquelle est comme le corps : pour bondir efficacement, elle doit d’abord être capable de se relâcher !