Jeux Olympiques

Anthony Jeanjean : un run en or mais une médaille de… bronze

jo paris 24 bmx freestyle

Lors des finales du Freestyle, jugées au meilleur des 2 runs, Anthony Jeanjean a enflammé la foule d’un run éblouissant, malgré une chute au premier passage. Il a même « posé » une figure inédite en compétition mais, au grand dam du public parisien, de très légers accros dans sa prestation ne lui valent que la médaille de bronze.

Il est très beau, le Park aux couleurs pastel dressé sur la place de la Concorde, et que domine le biseau affûté de l’obélisque de Louxor. Mais les lieux ne sont pas identiques aux décors aperçus à la télé ou en photo : leur majesté s’impose au corps tout entier, par tous les sens à la fois. Une chaleur accablante pesait sur les tribunes noires de monde et, surtout, sur les épaules des athlètes.

Le poids de l’enjeu semblait atteindre à la réalité physique, se matérialiser dans l’air telle une grosse boule brûlante invisible. La gorge serrée, on s’imaginait à la place des athlètes. Il n’est sans doute pas facile d’être attendu par des milliers de personnes dont l’enthousiasme dépend de vous. C’est d’ailleurs sans doute le trac, qui se joua de la jeune Laury Pérez, victime d’une chute dès l’entame de son premier run, et qui ne retrouva pas sa pleine assurance pour le second. Mais l’inquiétude, une inquiétude mâtinée de superstition, tomba sur le public de la Concorde quand Anthony Jeanjean à son tour, chuta sur son premier trick, après moins de cinq secondes !

L’auteur de ces lignes le confesse, il ne voyait pas comment on pouvait se relever d’une entrée en matière si catastrophique – lui, pensait-il frénétiquement, aurait perdu ses maigres moyens pour beaucoup, beaucoup moins que ça ! Heureusement pour l’Équipe de France, Jeanjean n’est pas fait du même bois. Quand il entra sur le park pour la deuxième fois, perché au sommet du module de départ, une clameur de force 12 sur l’échelle de Beaufort s’éleva sur les tribunes. Loin de se laisser impressionner, l’athlète fit face au public et leva les bras de sorte à faire monter encore la houle sonore.

Puis il s’élança. Et la foule stupéfaite ne se tint plus. Qu’on se le dise : le run complet d’Anthony Jeanjean en ce 31 juillet 2024 restera dans les annales du Freestyle. Puissance, amplitude et prise de risque au maximum, le Français se permit même de placer un trick (une figure) que personne n’avait jamais tenté (et partant, encore moins réussi) en compétition : un « double flair » (une sorte de backflip doublé d’une rotation à 180°).

Selon la première intuition du public, ce seul morceau de bravoure aurait dû lui valoir l’or – d’autant que tout le reste du run serait à l’avenant, en termes de difficulté et d’amplitude.

Seulement voilà, l’Héraultais lui-même le confesse, il a commis « deux, trois petites erreurs », notamment sur la réception de ce fameux geste, qui ont d’autant moins échappé aux juges « qu’ils [m’]ont vu rouler toute la semaine. Ils ne m’ont pas loupé, c’est le jeu. » Car, si ces deux ou trois petits accrocs, visibles aux yeux des seuls spécialistes, ce petit défaut de fluidité, lui ont de son propre aveu coûté la médaille d’or, auraient-ils dû le priver aussi de l’argent ?

Le débat a mobilisé tous les commentateurs. Attribuons au premier intéressé le droit de poser la conclusion : « J’étais venu pour l’or. Je sais que ce run, si je l’avais parfaitement réalisé, m’aurait rapporté le titre olympique. Il n’a pas été parfait, et de ce point de vue c’est échec. Pour le reste, notre sport est un sport à notation, et il faut l’accepter. Je ce que je retiendrai, outre la belle médaille olympique, c’est le formidable moment que j’ai passé avec ce public : lui et moi, on voulait la même chose ! »