Pauline et le complexe d’Olympe
Exultons !! Pauline Ferrand-Prévôt a réalisé son rêve ultime et conquis le seul titre qui lui manquait. Celle qu’on appelait déjà ‘’La Reine Pauline’’ est désormais Championne Olympique. Sur la colline d’Élancourt, elle a fait cavalier-seul, survolant la course et toute sa prodigieuse carrière du même geste. Plus qu’une première médaille d’Or pour le cyclisme français, c’est la naissance d’une légende comme le sport les aime.
On l’avait vue deux jours plus tôt, dans le cadre silencieux d’une conférence de presse. Le visage lisse et reposé, elle dégageait une sérénité non feinte, presque une aura, prenant le temps répondre aux questions, cherchant ses mots les yeux levés au plafond.
On s’est laissé dire que, jusque tard samedi soir, elle envoyait à ses amis des textos pleins de smileys, et qu’au matin de la course elle souriait encore au petit déjeuner. Le ciel était bleu comme la robe de la vierge et elle y voyait le présage d’une bonne journée.
Plus tard, au pied d’une tribune bleue adossée à la colline, c’est le visage un peu plus fermé mais pas tendu le moins du monde, qu’elle faisait feuler son home-trainer à quelques minutes du départ. Elle s’est aspergée sur la nuque et les bras, et puis elle est allée prendre sa place sur la ligne, une main levée à l’adresse de ses supporters.
Cavalier-seul
On connait la suite car, parlons vrai, la plus grande championne de son sport nous a habitués à ces cavaliers-seuls. On aimerait avoir une course à raconter, complexe et pleine de rebondissements, mais elle nous prive de ce plaisir. Après un premier tour prudent où elle prit la mesure de ses adversaires et, déjà, la tête, Pauline Ferrand-Prévôt s’est isolée dès l’amorce du deuxième. Dans les parties montantes où les autres concurrentes s’arc-boutaient douloureusement, elle donnait à voir un pédalage en danseuse époustouflant de force.
D’autant plus époustouflant qu’il ne faiblirait jamais et que ‘‘PFP’’ ne cessait de creuser son avance au fil du temps et des tours, ne commentant aucune erreur technique ou de trajectoire. « Je connaissais le circuit par cœur, dirait-t-elle plus tard en conférence de presse, je peux en visualiser chaque pierre et chaque racine les yeux fermés. Pour l’apprendre, je suis allée jusqu’à le dessiner. »
Il serait peu de dire que la championne fut portée ou acclamée par le public venu en nombre (on parle de 13 000 spectateurs sur la désormais célèbre colline d’Élancourt).
C’est une véritable fièvre qui, partie de ses supporters les plus fervents s’est propagée à toute une foule qui ne cesserait plus de chanter et d’acclamer longtemps, très longtemps après l’arrivée. On aura rarement vu à l’arrivée d’une course cycliste, un tel déluge de rires et de larmes – à commencer bien sûr, par celles de la nouvelle championne olympique qui, le cou lesté d’une médaille d’or plus lourde qu’une bible, tentait d’entonner la Marseillaise.
Le complexe d’Olympe
On sait comment fonctionne la dramaturgie des apothéoses, et l’on se dit qu’elle ne regrette sans doute pas (plus) ses échecs précédents sur les Jeux Olympiques, tant ils contribuent aujourd’hui à ériger sa légende. Pauline, dont on avait presque renoncé à compter les titres mondiaux, avait toujours buté sur cette compétition si particulière qu’elle transcende les adversaires habituels. Faute d’explication, on commençait à parler de malédiction Mais l’héroïne s’est retranchée du monde, a presque fait vœu de silence (elle n’a plus donné la moindre interview, ni publié sur les réseaux sociaux) pendant des mois pour économiser la moindre miette d’énergie et l’investir dans son obsession, pour revenir plus forte que jamais et réduire la concurrence à la figuration. Elle a vaincu son complexe d’Olympe.
Loana, l’avenir devant elle
Avant de se livrer au marathon des médias et à la fête, restait pour elle (comme pour nous) à se décharger d’un souci : mais Loana Lecomte fit une apparition, le menton certes dissimulé par un copieux pansement, mais porteuse de nouvelles rassurantes, après tous les examens médicaux indispensables. Et tout l’avenir devant elle. « Elle va se reposer quelques jours, comme le veut le protocole ‘commotion cérébrale’, mais elle va aussi bien que possible, et nous serons là pour l’accompagner et la soutenir, comme nous avions soutenu Pauline au lendemain de Rio » a déclaré Yvan Clolus.