Championnats de France

Championnats de France de Freestyle : Tous Virtuoses !

Anthony Jeanjean à nouveau champion de France de freestyle park

Les meilleurs freestylers hexagonaux s’étaient donné rendez-vous au vélodrome national de Saint-Quentin-en-Yvelines pour se disputer les titres. Pros et passionnés, tous s’en sont donné à cœur-joie devant un public conquis.

Le centre-piste du vélodrome national était habillé pour l’occasion, partagé entre les modules du freestyle park, et le dépouillement de dancefloor nécessaire à la pratique du flat.

Les qualifications et les compétitions jeunes et amateurs ont chauffé la salle dès le samedi, avant que l’entrée en lice des pros n’achève de remplir les gradins le dimanche.

Dans un lieu qui représente la plus ancienne tradition du cyclisme (la piste), l’ambiance musicale accordée à la diction rythmée du speaker évoquait bel et bien le mariage des cultures sportives fédérales et urbaines.

Deux univers l’un à l’autre apprivoisés.

Si le Park et le Flat se distinguent par la « nature du terrain », l’un et l’autre partagent une incontestable dimension artistique, à tout le moins esthétique. Sauts, figures, cabrioles, rebonds, envols, pirouettes, voire entrechats (sur roue), on a cherché tout le week-end la meilleure façon de décrire ces athlètes virevoltants et cul-par-dessus-tête. Le lexique spécialisé (back ou front-flips, tail  whip, flair) nécessite un apprentissage.

Acrobates

Encore plus que son cousin, le park réclame d’énormes qualités d’explosivité musculaire ainsi que des qualités de récupération à court terme qui peuvent faire la différence, eu égard au peu de temps séparant les deux runs au meilleur desquels le concurrent est noté. À ces dispositions physiques, il faut ajouter une capacité à maîtriser son appréhension – laquelle reste présente, nous ont expliqué tous les riders interrogés, en dépit des centaines, des milliers de répétitions effectuées au-dessus du bac à mousse. Dans les airs aussi bien qu’à l’atterrissage, on sait que, grands favoris, Anthony Jeanjean et Laury Perez n’ont pas tremblé et décroché ce maillot de champion de France qui leur colle à la peau.

Les challengers eux-mêmes étaient attendus : la présence sur le podium de Kevin Fabrègue (son protège dent, si vous le trouvez, indique « K Fab ») et Istvan Caillet, non plus que de Valeriia Luibimova, n’était pas une surprise.

Danseurs

Le Flat est une version street du cyclisme artistique, qui s’apparente véritablement à une expérience chorégraphique propose une autre expérience de la durée. Non que l’asphyxie musculaire n’y guette. Mais si le temps d’un run (une minute) peut sembler long à tenir en Park, les trois minutes imparties (et 2’30’’ chez les filles) sur le dancefloor semblent vécues différemment : c’est avec l’inquiétude non pas de tenir, mais de n’avoir pas le temps d’en montrer assez (ou de « rentrer un combo » une première fois manqué) que les riders regardent le chronomètre.

C’est un Matthias Dandois à qui, bien que multiple champion d’Europe et du Monde, manquait encore le titre national, qui s’est imposé sous les vivats du public. Les années n’ont pas de prise sur l’homme à la casquette qui, à 34 ans, n’a pas trouvé les limites de son imagination, et continue d’inventer de nouvelles figures. Chez les filles c’est une Jeanne Seigneur suprêmement élégante qui portera le maillot tricolore en 2024.

Passionnés

Mais avant ces apothéoses de virtuosité, nous avions assisté, non moins épatés, aux compétitions amateures. Plissant les yeux pour repérer des différences de style, de technique ou de niveau, stupéfait nous avions aperçu derrière la mentonnière du casque, la barbe blanche de Thierry Thillot. Ainsi le trésorier de Toul Urban Sports Association nous confiait-il son âge et sa passion du BMX Freestyle.

« J’ai 52 ans et, en effet, je suis le plus vieux rider sur le circuit de la Coupe de France », constate-t-il. Parfaitement conscient de son niveau modeste au regard de celui des élites (en tête desquels ses fils Bryan et Thomas), Thierry affirme être  à lui-même son plus farouche adversaire.

Il s’amuse : « Je ne cherche à performer que par rapport à moi-même. Avec l’âge, je n’ai plus le « pop », cette explosivité musculaire qui permet de faire des sauts amples et, par exemple, de lâcher les deux mains. Aujourd’hui certaines des gamines de 13 ans que j’encadre sont plus fortes que moi ! »

La compétition pour Thierry Thillot, c’est aussi l’occasion de fréquenter différents skate parks du territoire français. L’homme ride depuis sa tendre enfance. Ayant grandi dans l’Oise, dans le Beauvaisis, il faisait un peu de vélo dans les rues de son village, et s’appliquait à sauter le plus d’obstacles possibles. Les compétitions de freestyle, alors, sont à peu près inexistantes en France. Il participe à un premier contest à Amiens, alors qu’âgé de 18 ans, il entame sa vie étudiante.

Quant à l’entrée sur le circuit de compétition Coupe de France, elle ne remonte qu’à quatre ans, pour la bonne et simple raison qu’auparavant « il n’y avait pas de circuit. »

Entre temps, c’est sur le skate park de Toul où il s’entrainait, que voici 13 ans, il prend langue avec cet homme venu faire des photos qui s’avèrerait être le directeur du service culturel de la ville.

« C’est ainsi que je lui ai proposé d’organiser un contest de freestyle. Une quinzaine de jeunes et moi-même avons concouru, et c’est comme ça que l’asso Toul Urban Free Sport est née. Désormais nous sommes équipés d’un Park de niveau international, qui nous permet d’accueillir une manche de la Coupe de France. Et nous avons des ambitions pour les plus jeunes, notamment les filles, que nous espérons former pour le haut-niveau. »